Pour le prestige et pour le pire (I)
Le samedi 26 avril 1986, le réacteur nucléaire N°.4 de la centrale de Tchernobyl explosa suite à plusieurs erreurs humaines, libérant dans l'atmosphère un nuage radioactif.
Nous avions déjà eu une petite expérience de ce genre en 1979 mais à très petite échelle avec la fusion partielle du réacteur N°.2 de Three Mile Island aux Etats-Unis (Niveau 5, 12 employés et 2000 civils très faiblement contaminées dans un rayon de 5 km).
Mais cette fois, pour la première fois dans l'histoire du nucléaire, le monde prenait conscience avec effroi que mal contrôlée, l'énergie nucléaire civile pouvait produire les mêmes effets qu'une bombe atomique et contaminer tout un continent à différents degrés !
Nous allons décrire en détails les différents effets qu'eut cet accident sur les plans technique, sanitaire et politique, travail qui ne remplace certes pas une thèse scientifique. En deuxième partie, nous insisterons sur l'attitude criminelle du Gouvernemernt français dans la suite des événements, un Etat soi-disant de droits. Pour terminer nous verrons qu'elle fut la situation en Belgique.
Tchernobyl (Чорнoбиль). L'entrée de la ville est symbolisée par ce monument à la gloire du nucléaire photographié en 2004. A cet endroit la radioactivité est à peine huit fois supérieure à la normale (<0.8 mSv/h). C'est l'endroit le moins contaminé de la région. Document Elena Filatova.
Tchernobyl, fleuron de l'empire Soviétique
Ce qu'on appelle la "centrale de Tchernobyl" correspond en fait à l'installation de la centrale nucléaire Lénine située le long de la rivière Pripyat, à 14.5 km au nord-ouest de Tchernobyl (qui se dit "Chornobyl" en ukrainien et s'écrit Чорно́биль). Il s'agit d'une centrale nucléaire thermique.
La centrale nucléaire se situe en Ukraine à 16 km de la frontière sud du Bélarus, à 110 km au nord-ouest de Kiev et à 670 km au sud-est de Moscou. Voici une photo satellite de la région prise depuis la station Mir en 1997 et un document que vous pouvez agrandir de Google Maps.
Tchernobyl était une petite ville de province d'environ 100000 habitants qui connut son essor économique grâce à la centrale nucléaire qui fut installée entre 1977 (réacteur N°.1) et 1983 (réacteur N°.4), les réacteurs N°.5 et 6 étant en construction à l'époque de l'accident.
La centrale utilisait quatre réacteurs de type RBMK-1000 dont la première fonction fut de produire du combustible pour les armes nucléaires soviétiques (bombes et missiles). Ils seront adaptés à l'usage civil dans les années 1970.
En théorie cette classe de réacteur est aujourd'hui dépassée, mais ils furent installés dans l'ex-Union soviétique et tous ses états membres dans les années 1970 et 1980, y compris les pays Baltes et dans la célèbre ville de garnison de Kursk.
L'acronyme RBMK signifie "réacteur à tube de grande puissance" (reaktor bolshoy moshchnosti kanalniy). De longs tubes de force (7 m) sous pression permettent de repousser la température d'ébullition de l'eau à 290°C, de la même manière qu'une centrale nucléaire thermique moderne (Tihange, Mol, Cattenom, etc). Ces tubes qui sont contenus dans des blocs de graphite jouant le rôle de modérateur contiennent chacun un faisceau de combustible contenant un élément d'uranium faiblement enrichi.
La centrale de Tchernobyl était l'un des fleurons de l'empire Soviétique, représentant la vitrine de son savoir-faire nucléaire. Le système RBMK utilise de l'eau bouillante légère (normale) chauffée par le réacteur qui alimente directement des turbines sans utiliser d'échangeur thermique. L'eau pompée à la base des faisceaux de combustible progresse vers le haut de la cuve à travers les tubes de force sous pression, générant de la vapeur à environ 284°C qui alimente les turbines.
La centrale de Tchernobyl exploitait quatre réacteurs, chacun étant équipé de 2 turbines de 500 MWe (des mégawatts électriques d'énergie brute soit 1.6 GW thermiques), utilisant pour combustible du dioxyde d'uranium faiblement enrichi (2% d'U-235), modéré par du graphique et refroidis par eau. A elle seule la centrale développait quelque 4 GWe (12.8 GWt) et pouvait fonctionner sans problème durant 50 ans, aux entretiens près.
A titre de comparaison, à la même époque, les sept unités de production installées en Belgique entre 1975 et 1985 (quatre réacteurs à Doel et trois à Tihange) produisaient 5.6 GWe par jour, Tihange pouvant pouvant satisfaire à elle seule les besoins en électricité d'environ 4 millions d'habitants.
Vue générale des installations de Tchernobyl en bordure de la Pripyat. Document Pravda.
Défauts de conception
Le réacteur RBMK et le complexe de Tchernobyl souffraient de deux erreurs de conception qui auront les conséquences tragiques que l'on sait.
Il y a tout d'abord l'enceinte de confinement. Mis à part le bouclier supérieur (UBS) de 1400 tonnes qui recouvre le réacteur et le bouclier inférieur (LBS) installé sous la cuve, le réacteur n'est protégé que par l'enceinte constituée par le grand hall des turbines (le bâtiment que l'on voit de l'extérieur) alors qu'en Occident la quasi totalité des centrales sont protégées par une double coque de protection (ciment et acier) séparées l'une de l'autre de quelques mètres qui s'avère très utile pour confiner les éventuelles émissions radioactives dans l'enceinte ou amortir un impact extérieur tout comme l'effet de la chaleur du Soleil durant la saison estivale.
Ensuite le réacteur RBMK souffre d'un défaut de conception beaucoup plus dangereux. La caractéristique la plus importante du réacteur RBMK est de posséder un "coefficient de vide positif". Cela signifie que si la puissance augmente ou si la quantité d'eau diminue, les faisceaux de combustible vont produire plus de vapeur. De ce fait, les neutrons qui auraient été absorbés par l'eau devenue plus dense augmentent le processus de fission. Toutefois, en même temps que la puissance, la température augmente également ce qui a pour effet de réduire le flux de neutrons (coefficient de combustible négatif). Le bilan de ces deux effets opposés varie en fonction du niveau de puissance. En mode de production normal, si la puissance est élevée, l'effet de la température est prédominant et les excursions de puissance (sur-coups pouvant conduire à des accidents de criticité) qui tendraient à surchauffer le combustible ne se produisent pas. En revanche, si la puissance développée est inférieure à 20% du maximum, l'effet du coefficient de vide positif prédomine et le réacteur entre dans un régime instable et peut subir des sur-coups de puissance qui, dans le cas de Tchernobyl conduisit à la fusion partielle du réacteur.
Comme tout système, même s'il est peu sécurisé et mal conçu, ce genre de réacteur fonctionne très bien tant qu'il est sous contrôle dans les marges de sécurité, que le système est entretenu et que personne ne commet d'erreur. Or en la circonstance, les trois facteurs se sont ligués dans une véritable réaction en chaîne pour créer l'accident que nous connaissons. Voyons comment cela a pu se produire et qu'elles furent ses conséquences.
Compte-rendu de l'accident
Aux premières heures du 25 avril 1986, sur ordre du responsable d'exploitation, le responsable de la salle de commande, le contremaître Anatoly Dyatlov prit la décision de procéder à un test du réacteur N°.4. Première erreur car on ne réalise jamais ce genre de test en production. Notons que le même test avait déjà été effectué sur le réacteur N°.3 et avait échoué.
Ce test aurait dû être effectué avant la mise en service du réacteur N°.4 trois ans plus tôt. Il visait à couper l'alimentation de la turbine afin de vérifier si elle allait continuer sur sa lancée et aurait la puissance suffisante pour démarrer les pompes à eau qui servaient à envoyer de l'eau vers le coeur du réacteur pour le refroidir. Car sans eau s'est la surchauffe assurée comme une bouilloire dont l'eau se serait évaporée. En théorie, 40 secondes après l'arrêt de la turbine, des turboalternateurs de réserves devaient prendre la relève.
Le 25 avril à 14h locale, en prévision du test le système d'alarme du système de refroidissement du réacteur fut débranché, en violation avec les principes élémentaires de sécurité. Deuxième erreur. A 23h10, la puissance du réacteur fut réduite comme prévu de 1000 à 700 MWt.
Le changement d'équipe fut effectué à minuit. Le 26 avril à 0h28 du matin, un opérateur commit une troisième erreur provoquant la chute de la puissance du réacteur N°.4 à 30 MWt. On sait aujourd'hui que cela provoqua un empoisonnement du réacteur au xénon, cet élément jouant le rôle de modérateur à la place du graphite, empêchant la reprise de la fission. Autrement dit, outre le problème technique, la centrale n'alimentait presque plus les villes proche de Pripyat et de Tchernobyl en électricité.
Le contremaître Anatol Dyatlov exigea que la puissance soit rétablie. Il était ingénieur en physique nucléaire et connaissait son métier mais il ne savait pas exactement ce qui se passait réellement dans le coeur du réacteur où les scientifiques n'avaient pas installé de détecteur.
De plus, le système d'alarme ayant également été désactivé (bloqué), il n'avait plus de retour d'information sur l'état de refroidissement du système. Mais cela tout le monde l'avait déjà oublié, l'opération ayant été effectuée 10 heures plus tôt. Quatrième erreur.
Aujourd'hui nous savons que le problème de puissance vint du fait que le xénon-135, produit de fission, s'était dégradé en absorbant tellement de neutrons que la puissance fut limitée à 200 MWt. Pour y remédier il fallait augmenter la température pour réactiver la fission. Pour ce faire il fallait remonter les barres en carbure de bore servant à contrôler la réaction en chaîne et indirectement la température.
Le contremaître exigea que l'on change les paramètres de l'essai et qu'on retire les barres de contrôle au-delà du seuil de sécurité. En théorie, la consigne standard de sécurité exige de laisser au moins 30 barres de contrôle dans le réacteur. Dyatlov décida de n'en laissa que 6 à 8 dans le réacteur pour assurer le contrôle. Cinquième erreur.
Les techniciens s'y opposèrent mais il leur fit vite comprendre qu'il valait mieux qu'ils obéissent s'ils voulaient conserver leur emploi et l'habitation mise à leur disposition. Comme en Occident, le chantage à l'emploi fonctionne aussi très bien en Russie... Tout le monde finit donc par exécuter son ordre quoi qu'il advienne, comme d'habitude.
Le retrait des barres a effectivement compensé l'accumulation de xénon modérateur. Lorsque la puissance du réacteur remonta, Dyatlov décida de poursuivre l'essai sans redescendre les barres de contrôle dans le réacteur. Sixième erreur.
A présent, s'il y avait un sur-coup de puissance, tous les employés savaient qu'il faudrait 20 secondes pour redescendre les barres de contrôle. Or en 20 secondes, ils savaient très bien que la réaction nucléaire avait 20 fois le temps de s'emballer hors de tout contrôle. Pour être clair, ils savaient tous qu'à présent à la moindre erreur il ne faudrait que quelques secondes pour que le réacteur se transforme en une petite bombe atomique... Les techniciens avaient donc de bonnes raisons de s'inquiéter !
Aspect alarmant des installations du réacteur N°.4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl quelques semaines après l'explosion du 26 avril 1986. La photographie a été prise durant les interventions des liquidateurs. Document AP.
Pour une raison inconnue, il y eut une augmentation du débit de l'eau de réfrigérant (celle qui refroidit les barres de combustible) dont les vapeurs alimentent également les turbines générant l'électricité. Ce changement de régime provoqua une chute de la pression de la vapeur. Si le système d'arrêt d'urgence avait été activé, il se serait déclenché et aurait stoppé le réacteur. Septième erreur.
Pour maintenir la puissance, les techniciens ont donc été contraints de retirer les dernières barres de contrôle plongées dans le réacteur. Huitième erreur.
A 1h23m04s locale, Dyatlov ordonna de commencer le test. Le chef d'équipe Alexander Akimov voulut interrompre le test mais Dyatlov exigea que l'on poursuive et même "un peu plus vite" rapporta un témoin, "dans une ou deux minutes ce sera terminé". Un opérateur coupa l'électricité pour simuler un blackout, le dernier système de sécurité qui aurait pu sauver le réacteur. Neuvième erreur. Les pompes à eau n'étant plus alimentées que par le système d'urgence, la puissance de la turbine chuta. Suite à cette réduction du débit d'eau, les pompes ont fourni moins d'eau de refroidissement au réacteur. Aussitôt la température du réacteur se mit à monter.
A 1h23m31s, la puissance du réacteur se remit à augmenter, mais également la pression et la température. En réalisant ce qui se passait, les techniciens déclenchèrent l'alarme mais il était déjà trop tard, le manque d'eau surchauffant toute l'installation, générant de la vapeur dans le réacteur et dans les tubes de refroidissement.
A 1h23m35s, le chef d'équipe Akimov déclencha manuellement l'arrêt d'urgence du réacteur. Toutes les barres de contrôle précédemment retirées furent replongées dans le réacteur. Selon le SCK-CEN certaines barres seraient restées bloquées. Cette manipulation eut une conséquence dramatique liée à une erreur de conception du modèle RBMK-1000.
En effet, les têtes des barres de contrôle étaient recouvertes de graphite ce qui provoqua immédiatement une augmentation de la réaction en chaîne et une montée en puissance du réacteur plutôt que sa diminution. A présent les techniciens durent procéder à des réglages pratiquement chaque seconde et ne sont plus parvenus à stabiliser la réaction. Dixième erreur. Ils accumulèrent ensuite des erreurs de manipulations. Onzième erreur.
A 1h23m43s, la température du réacteur dépassa les tolérances et augmenta de manière irréversible; le point de non retour était franchi. L'eau de refroidissement subissant une pression titanesque sous la chaleur, les têtes individuelles des faisceaux de combustible situés sur le bouclier biologique supérieur (la grande "salle pavée") commencèrent à se soulever alors que chaque barre pesait plus de 350 kg, libérant par leurs interstices de la vapeur radioactive dans le hall de la centrale. Rappelons que derrière les murs de cette enceinte, il n'y avait aucune autre protection, c'était directement le monde extérieur.
A 1h23m44s, le fait d'avoir réintroduit toutes les barres de contrôle simultanément dans le réacteur augmenta instantanément sa puissance de 200 à 100000 MW, soit 100 fois la puissance de production normalement développée par le réacteur !
A cet instant, selon les simulations 50 barres de contrôle sur les 211 se disloquèrent. Sous la chaleur, une partie des barres de combustible se rompirent et les blocs de graphite prirent feu. C'est alors que des poussières de combustible chauffées à blanc sont entrées en contact avec l'eau, provoquant une détente explosive de vapeur.
La première réaction fit exploser le fond du réacteur où la température était la plus élevée, proche de 2500°C. L'uranium fondant à 1130°C, il se transforma aussitôt en un magma visqueux radioactif qui détruisit le béton (le béton fond entre 1400 et 1500°C selon les impuretés et le zircon à 1850°C) et se mêla autres éléments contenus dans l'enceinte.
A 1h23m45s, une deuxième détonation fut provoquée par l'embrasement de l'hydrogène. Elle souleva le bouclier (UBS) de protection biologique de 1400 tonnes protégeant le réacteur, exposant à l'air son coeur en fusion et incontrôlable. Des dizaines de tonnes de vapeur à haute pression, brûlante et radioactive ainsi que des vapeurs de combustible mêlées d'iode-131 et de césium-137 envahirent ce qui resta du complexe et s'échappèrent dans l'atmosphère.
En heure de Greenwich, selon le Département de l'Energie américain, l'explosion de Tchernobyl eut lieu le 25 avril 1986 à 21h23h44s TU, la deuxième explosion eut lieu 1 seconde plus tard. Les stations du réseau sismique CSE ukrainien situées à plus de 110 km de distance du site n'ont pas enregistré les explosions.
Selon Brian Sheron, ancien directeur de la Nuclear Reactor Regulatory Research, "L’énergie de l’explosion de Tchernobyl a été de l’ordre de 320 GW par seconde, soit l’équivalent de 75t de TNT, c’est-à-dire 50 fois plus que le maximum qu’une enceinte de réacteur à eau pressurisé (PWR ou REP) serait capable de contenir."
On ignore encore aujourd'hui la raison exacte des explosions mais l'explosion de vapeur/combustible suivie de celle de l'hydrogène sont les plus probables. Nous verrons plus loin qu'en 1998 certains physiciens russes ont évoqué un éventuel séisme qui aurait déclenché l'explosion mais cette hypothèse n'a jamais été démontrée et mon enquête conduite auprès des instituts concernés ne renforce pas cette hypothèse, que du contraire.
Selon les experts qui rédigèrent le rapport TORCH dont nous reparlerons, l'explosion libéra des débris du bâtiment et du réacteur jusque 7 à 9 km d'altitude, affectant probablement la composition de la stratosphère. 30% du combustible du réacteur s'échappa dans les environs immédiats de la centrale. 1 à 2% soit environ 50 tonnes de gaz radioactif furent éjectés dans l'atmosphère, l'équivalent de 200 fois ce qui retomba sur Hiroshima et Nagasaki ! Dans les dix ans qui suivirent, 0.5 à 1% du combustible restant s'échappa dans l'air sous forme de gaz radioactif dans un rayon de 100 m autour de la centrale.
L'un des techniciens de la centrale, Sacha Yuvchenko expliqua aux journalistes qu'il vit les murs en béton épais de 1 m de son bureau se gondoler comme du caoutchouc ! Il échappa à la mort mais il reçut une dose de radiations de 3.9 Sv (Cf ces explications) qui encore aujourd'hui a des effets sur sa santé et son métabolisme. Il reçut 15 greffes de peau. Ses blessures ne guérissent pas, son sang coagule difficilement, il ne peut plus toucher d'huile, de graisse ou d'essence sans parler d'autres séquelles et de maladies avec lesquelles dit-il, il a malheureusement appris à vivre.
Deux heures après l'accident, les techniciens de la centrale qui avaient survécu éprouvèrent les premiers symptômes de la contamination radioactive (malaises, vomissements, vertiges, diarrhées, brûlures, etc). A 6h du matin, leur état fut si alarmant qu'ils furent conduits à l'hôpital. Plusieurs d'entre eux moururent dans les jours qui suivirent. Parmi les survivants de cette nuit cauchemardesque il y avait Yuri Korneev.
Le journal télévisé soviétique présenté au soir du 26 avril 1986 annonça sans émotion qu'une explosion suivie d'un incendie avait eu lieu à la centrale proche de Tchernobyl et que les techniciens faisaient leur possible pour remédier à la situation, mais la présentatrice n'évoqua nullement le risque nucléaire !
Ce n'est que le lendemain matin, le 27 avril que les habitants de la région de Pripyat, Opachichi, Tchernobyl et les villes avoisinantes seront prévenus et qu'on leur donna les premiers comprimés d'iode pour empêcher l'iode radioactif de se fixer sur leur glande thyroïde. Le Gouvernement donna à la population le minimum d'information et leur donna deux heures pour évacuer la ville, leur confirmant qu'ils pourraient y revenir dans deux ou trois jours. L'exode dura une semaine. Au total 336000 habitants seront évacués dans le plus grand secret. Ils comprirent plus tard qu'ils ne pourraient plus jamais retourner chez eux et retrouver leurs souvenirs. 60000 animaux seront également déplacés.
Fautes de données officielles, 60 heures après la catastrophe, le Gouvernement du Président Mikhail Gorbatchev n'avait toujours pas annoncé l'accident au public. C'est le Gouvernement suédois qui découvrit l'accident le 28 avril, soit 3 jours plus tard, en s'inquiétant du taux de radioactivité relevé dans l'air et en analysant les photos satellites prises en infrarouge. C'est alors qu'ils découvrirent un point chaud à l'endroit exact de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Le soir même les Russes informèrent le monde.
Dans les semaines qui suivirent, sur l'avis des scientifiques, le Président Gorbatchev décréta une zone d'exclusion de 30 km autour de la ville, une distance fixée arbitrairement. Mais la plupart des personnes déplacées étaient déjà contaminées et ce, dans un rayon de 300 km autour de la centrale.
Pendant ce temps le nuage radioactif continua à s'étendre et contamina gravement (> 40 kBq/m2) une superficie d'environ 160000 km2 dans la région de Kiev, touchant surnoisement tous les êtres vivants.
Entraîné dans une circulation atmosphérique complexe dominée par des vents de N-NO et S-SE, le nuage se propagea à travers l'Europe. Le nuage radioactif qui ressemblait à un nuage bas ou un sorte de brouillard épais survola tout d'abord le Bélarus puis la Scandinavie pour se diriger ensuite vers l'Europe de l'Ouest mais paraît-il, il s'arrêta juste à la frontière française... selon son Gouvernement. Nous allons y revenir. Le nuage traversa en fait la France puis remonta vers le Luxembourg et la Belgique. Une partie du nuage se déplaça ensuite vers les Pays-Bas et l'Ecosse tandis qu'une autre partie s'étendit vers la Corse, la Tunisie, la Grèce et la Turquie.
En quelques semaines le nuage radioactif recouvrit une superficie évaluée à 3.9 millions de km2 soit environ 40% de la superficie de l'Europe avec du césium-137 d'une activité supérieure à 4000 Bq/m2 et localement 10 à 25 fois plus importante ! Finalement le nuage enveloppa toute l'hémisphère Nord et on retrouva même des poussières radioactives au-dessus d'Hiroshima, située à 7000 km de distance !
ll va sans dire que des centaines de milliers de personnes d'Europe occidentale ont été exposées à des doses supérieures au seuil d'inocuité et que certaines contracteront des cancers dans les années ou décennies à venir. On peut supposer que le cancérologue de service indiquera dans son rapport de diagnostic à la rubrique "Origine de la tumeur maligne : inconnue"... On y reviendra.
Nous allons à présent revenir sur les événements qui ont suivi cette catastrophe, les interventions menées sur le site au lendemain de l'accident, l'attitude des autorités envers la population et le reste du monde, les conséquences sanitaires de l'accident et sur le fameux nuage de Tchernobyl et son impact en Europe de l'Ouest notamment en France et en Belgique.
http://www.astrosurf.com/luxorion/tchernobyl.htm