Conflit au Mali : le soutien de l'Algérie sera crucial Mots clés : Mali, Algérie
Par Thierry Oberlé, Isabelle Lasserre
Mis à jour le 14/01/2013 à 20:15
| publié le 14/01/2013 à 20:02
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François Hollande et Abdelaziz Bouteflika, lors de la visite officielle du président français en Algérie, en décembre.
Crédits photo : © POOL New / Reuters/REUTERS
Pour venir à bout des djihadistes, Paris compte sur l'aide d'Alger.
«On est d'accord sur l'essentiel», avait affirmé François Hollande en
décembre. Chasser les talibans de Kaboul ne suffisait pas. Il fallait aussi
s'attaquer à la base arrière des islamistes au Pakistan. Contraindre le
gouvernement d'Islamabad à mettre fin à son double jeu - alliance avec
Washington d'une part, soutien des talibans de l'autre. Il fallait
trouver une solution pour fermer la frontière du Sud et éviter que les
zones tribales ne fournissent de nouveaux moyens humains et matériels
aux rebelles pachtounes afghans, réduisant ainsi à néant les efforts des
troupes internationales pour mettre fin à l'insurrection. Ignorer la
mère nourricière fut l'une des principales erreurs commises par les
Américains en Afghanistan.
Les Français commettront-ils la même faute dans le Sahel
en omettant d'inclure dans le dossier l'Algérie, qui, toutes
proportions gardées, joue à l'égard de son voisin malien le même rôle
ambigu que celui du Pakistan en Afghanistan? La maîtrise de la longue
frontière qui sépare l'Algérie du Mali est en effet l'une des clés de la
réussite de l'intervention militaire française.
La communication
n'est pas le point fort des autorités algériennes. Dimanche, le pouvoir
en place à Alger a préféré laisser à Laurent Fabius le soin d'annoncer
le feu vert pour un survol de son espace aérien par les avions de chasse
français qui bombardent les positions islamistes dans le nord du Mali.
En décembre déjà, c'est François Hollande qui s'était chargé de
commenter l'apparente convergence franco-algérienne sur le dossier après
son entretien avec Abdelaziz Bouteflika.
«On est d'accord sur l'essentiel, c'est-à-dire sur la nécessaire lutte
contre le terrorisme et sur la volonté de briser le statu quo imposé par
les insurgés.»
1 400 km de frontière communeLe président
algérien n'a, lui, pas pipé mot. Un silence qui traduisait, au-delà de
l'autisme du régime, le manque d'empressement devant une intervention
internationale. La principale puissance militaire de la région a
toujours louvoyé ces dernières années pour éviter un engagement musclé
contre les groupes terroristes présents dans son arrière-cour.
Le
problème est pourtant, à l'origine, purement algérien. À la fin des
années 1990, à l'issue d'une guerre civile qui a fait plus de
100 000 morts, le Groupe salafiste pour la prédilection et le combat
(GSPC) s'est réfugié dans le Sahara pour échapper à l'armée. Il s'est
ensuite affilié à al-Qaida et a pris de l'ampleur sous le nom d'al-Qaida
au Maghreb islamique (Aqmi).
Décidé
à circonscrire la menace hors de ses frontières, Alger a entretenu
l'équivoque. Il s'est déclaré favorable à une concertation avec les pays
du Sahel pour juguler les katibas, les colonnes djihadistes, mais n'a
pas pesé de tout son poids pour appuyer une armée malienne faible et en
partie corrompue. Le peu d'implication peut aussi s'expliquer par une
perte d'influence en Afrique noire depuis la guerre civile. La
diplomatie algérienne a perdu sa profondeur stratégique sur le
continent.
À Alger, les officiels avaient coutume d'expliquer que
les militaires et les services de renseignement cherchaient en priorité
à sécuriser leurs 1 400 km de frontière commune avec le Mali. Mais les
trafics en tous genres qui enrichissent les groupes armés ont prospéré.
Aqmi et ses complices restent alimentés par de l'essence venue
d'Algérie. Des armes et du matériel transitent par les pistes
algériennes. C'est par là notamment qu'ont circulé les armes, dont des
missiles sol-air, provenant des arsenaux libyens, pillés à la faveur du
chaos qui a accompagné la chute de Kadhafi en 2011.
Des similitudes avec le PakistanCette
porosité est l'un des éléments clés du conflit en cours. Si elles
veulent donner une chance de réussir à l'opération internationale, les
autorités militaires doivent pour commencer renforcer leur surveillance
dans le Sahara. C'est aussi ce que pense le président tunisien lorsqu'il
s'inquiète du «nid de frelons qui peut menacer la sécurité de
l'ensemble du pays». «Nous avons l'impression, affirme Moncef Marzouki,
que la Tunisie est en train de devenir un corridor entre l'armement
libyen et ces régions-là.» Ce qu'il dit de la Tunisie est encore plus
pertinent pour l'Algérie.
Une fois que la première phase de la
guerre, qui consiste à bloquer les colonnes islamistes avançant vers le
sud et à détruire, ou au moins désorganiser, les clans djihadistes, il
faudra reconquérir le nord du pays. Mais, sans une fermeture de la
frontière, il sera difficile d'empêcher que les islamistes aillent se
cacher dans le sud de l'Algérie, attendant des jours meilleurs pour
reformer leur base au Mali.
En intervenant dans le nord du Mali,
la France fait voler en éclats le statu quo. Elle peut inciter l'Algérie
à sortir de l'ambiguïté. La Tunisie, la Libye et l'Algérie se sont
mises d'accord la semaine dernière pour établir des points de contrôle
communs et effectuer des patrouilles aux frontières. Mais comment
maîtriser complètement cette immense zone semi-désertique?
Il est
encore difficile de dire aujourd'hui si Alger se repositionnera ou
optera pour une stratégie à la pakistanaise. Les deux pays présentent
des similitudes. L'armée et les services de renseignement, DRS en
Algérie, ISI au Pakistan, jouent un rôle structurant dans les deux
jeunes États. Alger et Islamabad sont l'un comme l'autre, sur le papier,
des alliés des États-Unis. Seule différence, mais elle est de taille:
les Zones tribales pakistanaises et le sud de l'Afghanistan ont la même
population ethnique, pachtoune, et le soutien de la population. En
Algérie comme au Mali, les djihadistes ont des relais mais ne sont pas
en osmose avec des autochtones démunis, qui ont souvent tendance à se
plier à la loi du plus fort.
http://www.lefigaro.fr/international/2013/01/14/01003-20130114ARTFIG00682-conflit-au-mali-le-soutien-de-l-algerie-sera-crucial.php