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| | L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. | |
| | Auteur | Message |
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Zoubir8 Commandant
Messages : 1597 Date d'inscription : 11/04/2012 Localisation : Paris
| Sujet: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Jeu 17 Mai - 14:49 | |
| Je souhaiterais proposer une discussion sur les évennements militaires conduits par la Hagannah et de l'Irgoun ayant aboutit à l'expulsion des Palestiniens en mai 1948.
BENNY MORRIS/Abstract "Vingt-quatre massacres [eurent lieu en 1948]. Dans certains cas, quatre ou cinq personnes furent exécutées. Dans d'autres, on en exécuta soixante-dix, quatre-vingts, cent. Il y eut également un grand nombre de liquidations sommaires. Deux vieillards sont signalés marchant dans un champ. Abattus. Une femme est trouvée dans un village abandonné. Abattue. Il y eut des cas tel celui du village de Dawayima [région d'Hébron], où une colonne pénétra dans le village faisant feu dans toutes les directions et tuant tout ce qui bougeait. Les pires cas furent ceux de Saliha (soixante-dix ou quatre-vingts tués), Deir Yassine (cent ou cent dix), Dawayima (plusieurs centaines), et peut-être Abou Shusha (soixante-dix). Il n'y a pas de preuve irréfutable qu'un massacre à large échelle fut commis à Tantoura, mais des crimes de guerre y furent commis. Un massacre a bien été commis à Jaffa, mais nous n'avons à ce jour aucun détail sur cet épisode. De même qu'à Arab al-Mawassi, dans le Nord. La moitié des massacres eurent lieu dans le cadre de l'opération Hiram [dans le Nord, en octobre 1948] : à Safsâf, Saliha, Jish, 'Ailabûn, 'Arab al-Mawâsî, Deir al-Asad, Majd al-Kurûm, Sa'sa'. On relève dans le cadre de l'opération Hiram un taux inhabituellement élevé d'exécutions de gens que l'on a alignés contre un mur ou liquidés à proximité d'un puits. Tout ceci ne peut être accidentel. C'est un schéma. Il semble que nombre d'officiers qui participèrent à l'opération comprirent que l'ordre d'expulser qu'ils avaient reçu les autorisait à commettre ces actes pour encourager la population à prendre la route. Et le fait est qu'aucun ne fut puni pour ces meurtres. Ben Gourion étouffa l'affaire; II couvrit les officiers responsables de ces massacres. [...] À partir d'avril 1948, Ben Gourion veut délivrer un message de transfert. Il n'existe aucun ordre écrit explicite à ce sujet [...] mais le transfert est dans l'air. Tout le commandement l'a compris.
Chacun des chefs d'unité a compris ce que l'on attendait de lui. » | |
| | | boussouf Admin
Messages : 2099 Date d'inscription : 20/11/2011
| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Jeu 17 Mai - 22:14 | |
| @Zoubir, merci d'avoir pensé à ce sujet qui continuera à symboliser ce que représente le projet sioniste en Palestine. A ce sujet, je conseille le livre de l'historien palestinien Elias SANBAR: Palestine 1948. L'expulsion, paru aux Editions de la Revue d'études palestiniennes, Paris, 1984. | |
| | | rimonidz Admin
Messages : 3054 Date d'inscription : 09/02/2012
| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Ven 18 Mai - 11:37 | |
| excellente initiative zoubir8 de proposer une rubrique ses les événements de la "Nakba, le désastre en langue Arabe" de 1948 , ce qui permet également à nos forumiste de ANPDZ.COM de traiter la génése du conflit Arabo-Israélien (bien qu'il soit antérieur par le congrès de Suisse la fin du 19ème siécle et la déclaration de Lord Balfour de 1917). | |
| | | Zoubir8 Commandant
Messages : 1597 Date d'inscription : 11/04/2012 Localisation : Paris
| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Ven 18 Mai - 16:05 | |
| @ merci pour vos remarques. Trop de fausses idées sont répandues à propos de ce conflit. - il faut savoir qu'après la seconde guerre mondiale les stokcs de l'armée US sont plein d'armes d'occasion, - le Mouvement Sioniste (grâce à l'argent récolté par les tournées de Golda Meir aux USA) importe ces armes (certaines seront stockées à proximité à Chypre), - afin de contourner le contrôle des Britanniques sur l'importation des armes pour les colons (contrôle imposé suite à la Révolte Palestinienne 1936-1939), certaines armes sont démontées et importées comme matériel agricole, - le Mouvement Sioniste importe même des machines outils servant à fabriquer munitions et mitraillettes).
Un extrait concernant les armes détenues par la Hagannah (armée secrète sioniste) et ses alliés. "Même Dominique Lapierre et Larry Collins, peu suspects de sympathies pro-arabes, reconnaissent dans leur fameux « Jérusalem » qu'à la veille de la guerre, « sur le papier, la situation des Juifs n'était pas aussi désespérée qu'elle le paraissait. La Hagana pouvait s'appuyer sur un effectif de 60 000 hommes militairement instruits. Un tiers de ces soldats-citoyens avaient acquis leur expérience dans la Brigade juive ou quelque autre force armée pendant la Seconde Guerre mondiale. 28 000 immigrants, pour la plupart d'âge militaire, attendaient dans les camps de détention anglais de Chypre que les bateaux les transportent en Palestine dès la fin du mandat. D'autres, en ce 12 mai, étaient déjà en route sur des navires bondés venant d'Europe ». Cependant, précisent-ils, « 20 000 seulement des 60 000 juifs militairement instruits étaient mobilisés [du fait du] manque d'armes. Aux 10 000 fusils qui en constituaient l'armement de base étaient venus s'ajouter récemment 4 500 fusils achetés par Ehud Avriel en Tchécoslovaquie et 7 000 mitraillettes fabriquées dans les ateliers secrets de Haïm Slavine. En dépit de sa faiblesse, ce armement léger représentait un trésor à côté de la pénurie d'armes lourdes. [...} Il n 'existait pas un seul avion de combat dans tout le pays. Les ateliers de Joseph Avidar avaient recouvert de plaques de blindage quelque 600 véhicules de toute nature, mais, s'ils avaient offert une réelle protection sous les balles des embuscades, ils ne seraient que des cercueils roulants devant les autocanons de Glubb ou les blindés égyptiens ». Toutefois, Lapierre et Collins ajoutaient : « Sur la table de travail de Ben Gourion, deux dossiers contenaient les seuls motifs de croire obstinément en la victoire, et les principaux arguments qui convaincraient peut-être ses compagnons de proclamer l'État. Dans ces dossiers figurait la liste des armements achetés à l'étranger [...]. Entreposés en Europe en attendant que la souveraineté de l'État juif leur permît de prendre légalement le chemin de la Palestine, ces armes pourraient changer le cours du conflit. » Dominique Vidal in "Le Péché originel d'Israël". Edition de l'Atelier Paris.
Dernière édition par Zoubir8 le Ven 18 Mai - 16:11, édité 1 fois (Raison : nakba) | |
| | | Zoubir8 Commandant
Messages : 1597 Date d'inscription : 11/04/2012 Localisation : Paris
| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Ven 22 Juin - 20:26 | |
| Je poste ce texte de Sylvain Cypel. Il figure dans son livre "Les emmurés" Ed La Découverte. Paris 2005. Tsahal, la « pureté des armes » ?
Sylvain Cypel. 2005.
Une dernière mythologie importante condense et rassemble toutes celles que nous venons d'évoquer. Il s'agit bien là d'une mythologie dans l'acception la plus forte : une construction de l'esprit à la puissance symbolique significative, à la fois structurante et, si besoin, mystificatrice. Il s'agit de la notion de « pureté des armes ». « Tohar HaNéchek », dit-on en hébreu. L'expression est un véritable archétype du langage israélien, répété à satiété, en toutes circonstances, par ses hommes politiques, ses militaires, ses éducateurs et ses poètes
La « pureté des armes »
ou comment éluder un « océan de mensonges »
Une version officielle : les Israéliens,
« justes absolus et uniques victimes »
En 2000, Benny Morris publiait Tikoun Taout[sup]1[/sup] son premier ouvrage paru en hébreu. Le titre hébraïque est à double sens. Celui de sa traduction littérale est « corriger une erreur » et comporte l'idée du rétablissement des faits historiques. Le second sens s'appuie sur l'acception biblique et littéraire du mot « tikoun », celle de la « réparation», qui améliore l'homme, accomplit et poursuit l'oeuvre de Dieu. Manière de dire que les Israéliens ne peuvent eux-mêmes s'améliorer que s'ils rétablissent la vérité. Gideon Levy en rédige la critique pour le supplément littéraire de Ha'Aretz. Le titre de son article dit tout du sentiment du journaliste à l'issue de sa lecture : « Peut-être n'y a-t-il pas eu d'autre possibilité, mais pourquoi avoir menti durent toutes ces années[sup]2[/sup]? ». L'article est le plus abouti de tous ceux, publiés en Israël depuis le début des années 1990, manifestant le désarroi et l'effroi engendrés par la découverte de la face cachée du passé.
Gideon Levy a longtemps fait partie d'un groupe de jeunes intellectuels que l'on désigna en Israël sous l'expression de « Pères Boys », qui adhérèrent avec ferveur à l'idée d'une réconciliation historique avec les Palestiniens et soutinrent le « processus d'Oslo ». Il a commencé à s'en détacher et à critiquer de plus en plus ouvertement la politique menée par les divers gouvernements israéliens, en particulier la poursuite de la colonisation pour, dans un grand isolement, se tourner de façon virulente, dès l'échec de Camp David et le début de l'Intifada, contre les « versions officielles » qui en furent données. « Ah s'écrie-t-il en préambule à son article sur Tikoun Taout, que nous étions bons (et que de mauvaises actions nous avons commises), que nous étions justes (et que de malheur nous avons engendré), que nous étions beaux (et que de laideur nos mains ont forgée). Et ah que nous étions innocents ! Et que de mensonges nous avons diffusés. Des mensonges et des semi-vérités que nous nous sommes racontés à nous-mêmes et au monde. » Levy rejoint la l'ancien archiviste en chef de Tsahal, Arié Itzhak!, qui estime venu pour Israël le temps de sortir de l'« océan de mensonges dans lequel nous avons été élevés[sup]3[/sup]. »
L'une des révélations du livre de Morris concerne le contenu des débats qui se déroulèrent lors du XXe congrès sioniste, tenu à Zurich en août 1937.
Ils furent largement consacrés au thème du « transfert » hors de Palestine de la population arabe. Le principe fit l'objet d'un quasi-consensus. Un leader travailliste et partisan avoué de l'expulsion des Arabes aussi important que Menahem Oussishkin le justifiait alors ainsi : « Nous ne pouvons pas construire un État juif dont la moitié de la population serait arabe. [..] Un tel État ne serait pas viable une demi-heure[sup]4[/sup]. » De fait, au congrès, on débattit bien plus des modalités de l'expulsion et de son impact politique que de son principe, qui, lui, était acquis. Ce débat s'inscrivait dans le cadre de la mission menée en Palestine par la commission Peel, nommée par Londres pour envisager les moyens de mettre un terme aux hostilités entre Juifs et Arabes, et qui sera la première à envisager l'option d'un « transfert de populations » pour séparer les deux adversaires. Berl Katzenelson, autre très haut dirigeant sioniste travailliste, souhaitait, lui, réaliser ce « transfert » à l'issue d'un accord avec Londres et les États arabes, à la condition « que le principe reste celui d'un transfert d'envergure[sup]5[/sup]. » Ben Gourion, président de l'exécutif de l'Agence juive, le pivot du mouvement sioniste, n'était pas en reste : « En maints endroits du pays, aucune nouvelle implantation ne pourra voir le jour sans le déplacement des fellahin [paysans] arabes. [...] Il importe que ce plan émane de la Commission [Peel] et non de nous. [...] Le transfert rendra possible la réalisation d'un programme global de colonisation. Par chance, le peuple arabe dispose encore de vastes terres vierges[sup]6[/sup]. »
Mais ce que montre Morris par-dessus tout dans Tikoun Taout, c'est que non seulement l'Agence juive discuta amplement d'un « projet » d'expulsion de la population palestinienne dix ans avant sa matérialisation et créa à cette occasion un très discret « comité du transfert », mais que sa direction décida de tenir ces débats-là secrets, de les retirer des archives officielles, et de nier, à l'avenir, toute velléité de mise en oeuvre ordonnée et préconçue d'une expulsion. Le 30 janvier 1941, le futur premier président de l'État juif, Haïm Weizmann, évoquait cependant devant l'ambassadeur soviétique à Londres « le transfert d'un demi-million d'Arabes[sup]7[/sup] » de Palestine. Et Ben Gourion ne se faisait pas d'illusions : « Un transfert total sans recours à la force est difficilement concevable[sup]8[/sup] », écrivait-il dans un mémorandum interne, en octobre de la même année. « Ils ont menti, oh qu'ils ont menti », se lamente, rageur, G. Levy, qui constate que ces « mensonges » ont ensuite été institutionnellement codifiés et insérés dans une vision mythologique — Israël n'a jamais expulsé ni voulu expulser quiconque... —, qui perdure à ce jour pour l'immense majorité des Israéliens.
Pourquoi, une fois l'expulsion réalisée, en 1947-1949, les dirigeants israéliens ont-ils ensuite structuré une réécriture systématique des événements ? se demande Levy. Ainsi, dans les premières années 1950, on présenta les « mistranénim », les « infiltrés » palestiniens que l'on attrapait cherchant à entrer en Israël, comme des « terroristes assoiffés de sang », alors qu'ils n'étaient, dans l'immense majorité des cas, que des fellahs expulsés tentant d'accéder à leur ancien foyer de l'autre côté de la frontière, pour essayer d'y récupérer un bien, ou seulement de savoir ce qu'il en était advenu. Gideon Levy, dans sa quête inassouvie de réponses et sa conviction qu'elles sont aujourd'hui impérativement nécessaires à la sortie du conflit — « si vous voulez comprendre l'insurrection palestinienne, lisez Morris », écrit-il —, fournit un cadre d'explication : « Les Arabes ont toujours été les méchants, et nous étions des justes absolus, ou les uniques victimes. Nous ne sommes "pour rien" dans leurs malheurs. Voilà ce qu'on nous a raconté[sup]9[/sup]. »
Ce leitmotiv-là constitue toujours le socle de la « mentalité moyenne » des Israéliens, son ferment le plus prégnant, celui de l'homme de la rue, des hommes politiques comme de l'intelligentsia ; un socle enraciné en 1948 et ses lendemains immédiats, et dont les fondements avaient accompagné la constitution du ychouv juif de Palestine dans les cinquante années précédentes. Nous sommes des victimes, pour rien dans le malheur de l'autre...
Gideon Levy raconte qu'à l'été 2003, rentrant de reportage dans un village des Territoires occupés, il narre à une proche que les Palestiniens y vivent depuis cinq jours sans aucune eau, qui y a été coupée. « Pourquoi, demande-t-elle, ils n'avaient pas payé ? » Elle, si on lui coupe l'eau, c'est parce qu'elle accuse un retard de paiement. Pourquoi en serait-il autrement des Palestiniens ? « Ainsi sommes-nous faits, dit Levy avec accablement. C'est un réflexe presque pavlovien : le malheur de l'autre est toujours forcément de sa faute, nous n'y avons jamais aucune responsabilité[sup]10[/sup]. »
Les principaux éléments constitutifs
du déni initial israélien
Demandez à un Israélien ce qui s'est passé le 29 novembre 1947. Dans 95 % des cas, la réponse fusera, instantanée : « Les Nations unies ont voté la création de l'État d'Israël. » C'est exact, mais c'est précisément le type de « semi-vérité » qui, dans l'occultation de la partie manquante, induit tout un discours subséquent axé sur le « refus arabe de la partition de la Palestine, acceptée par Israël » : la « faute », le « péché originel », devient ainsi le seul fait de l'adversaire. En réalité, la résolution 181 de l'Assemblée générale de l'ONU recommande un « plan de partage » de la Palestine en deux États indépendants, l'un « arabe » et l'autre « juif », destinés à être liés par « une union économique ». Cette résolution, à ma connaissance, n'est jamais parue dans son intégralité en hébreu. De fait, le ychouv n'en a retenu que ce qui répondait à ses attentes, et rejeté de son esprit, dès la première seconde, tout ses attendus « dérangeants ». Ainsi, comme par prescience des risques encourus par l'application de ce plan, cette résolution stipulait aussi, par exemple, qu'« aucune expropriation d'un terrain possédé par un Arabe dans l'État juif/par un Juif dans l'État arabe ne sera autorisée, sauf pour cause d'utilité publique ». On sait ce qui est advenu de cet aspect-là de la résolution, Israël s'octroyant d'autorité les terres des « absents » — soit environ 60 % de son propre territoire (sans compter le Neguev, dont presque aucune terre n'était inscrite au cadastre, mais où nombre de Bédouins furent également dépossédés).
Qu'importe ces « détails », dira-t-on, l'essentiel n'est-il pas que les Juifs ont accepté la partition, alors que les Arabes l'ont refusée ? C'est, historiquement, loin d'être si simple. En effet, l'acceptation du partage par le ychouv était accompagnée de divers postulats jamais énoncés, mais pour lui fondamentaux, perçus comme existentiels. Le premier revenait, précisément, à rejeter toute constitution du second État que la partition était censée instaurer. Pour que naisse l'État juif, dans l'esprit des dirigeants du ychouv, il était également impératif que ne naisse pas l'État arabe prévu de Palestine. D'où les négociations, entamées dès avant le vote onusien avec la monarchie hachémite de Trans Jordanie, pour, de conserve, empêcher la création concomitante d'un État palestinien. « Fin 1947, écrit l'historien Avi Shiaïm, deux plans de partage, et non un, avaient vu le jour : l'un était né à New York, porteur du cachet officiel de la communauté internationale et appelant à la création de deux États indépendants [...], l'autre, conçu secrètement à Naharayim, fruit d'une alliance entre les sionistes et les Hachémites, envisageait la création d'un seul État et l'annexion du reste de la Palestine par la Transjordanie[sup]11[/sup]»
Le deuxième « postulat caché » israélien fondant le rejet des éléments « dérangeants » inclus dans le partage onusien était la conviction, parfaitement fondée, que la création de l'État juif signifierait une guerre avec les États environnants, et qu'elle entraînerait, pour peu qu'Israël l'emporte, une extension de ses frontières. Politiquement réaliste, Ben Gourion n'acceptait les frontières de la partition que comme un pis-aller irréaliste, que les « faits sur le terrain » auraient vite fait d'abroger. « Nous sommes disposés à accepter la création d'un État juif sur une partie significative de la Palestine, tout en affirmant notre droit sur toute la Palestine[sup]12[/sup] », déclarait-il aux représentants de l'ONU deux mois avant le vote de la résolution. Et, pour convaincre ses nombreux partisans travaillistes qui rechignaient à abandonner le projet initial de conquête de ce qu'on nommerait aujourd'hui le « Grand Israël » (la totalité de la Palestine mandataire[sup]13[/sup], il ajoutait : « Dès que nous serons devenus puissants, une fois notre État établi, nous annulerons [la partition] et nous nous étendrons sur tout le territoire d'Israël[sup]14[/sup]. » II ne faisait que reprendre une idée émise dix ans avant : « Un État juif dans une partie de la Palestine n'est pas une fin en soi, mais un commencement. Un territoire [...] nous permettra ensuite de mettre plus facilement la main sur la totalité de la Palestine, fera effet de levier [sup]15[/sup] », écrivait Ben Gourion en 1937 à son fils Amos.
Le troisième postulat était lié à la conscience aiguë, profondément ancrée dans l'immense majorité des dirigeants du ychouv, travaillistes comme révisionnistes, que l'État juif ne le serait que de nom si la partition se déroulait selon les recommandations de l'ONU. Seuls certains sionistes de gauche du Mapam tentèrent un peu d'y résister, en soutenant l'idée d'un État d'Israël « binational ». Car cet État, si la résolution onusienne avait été appliquée telle quelle, aurait de fait été « binational » dès l'abord. Selon le plan de partage, il devait compter 45 % d'autochtones : une population palestinienne qui, vu le différentiel de taux de croissance démographique avec les Juifs, et quel que soit le rythme de leur immigration, serait inéluctablement devenue assez vite majoritaire.
Les citations de dirigeants du ychouv abondent, montrant que cette possibilité-là était exclue à leurs yeux ; qu'une modification radicale de la répartition ethnique dans l'État juif à naître constituait, pour eux, un espoir et un enjeu fondamental. Et quelle autre modification eût pu être plus radicale que la mise en œuvre du « transfert » tant espéré ? À la tête de la puissance manda taire, le travailliste britannique Ernest Bevan expliquait, bien avant que la résolution onusienne ne soit adoptée, qu'aucune solution diplomatique de partage de la Palestine ne serait viable sans « transfert de populations », et que, si celui-ci n'était pas inscrit dans la résolution, il en serait quoi qu'il arrive l'inéluctable conséquence (d'ailleurs, il tenta d'en promouvoir le principe). Et dès le vote onusien, certains sionistes en eurent une conscience aiguë, telle Hannah Arendt, qui « mit en garde contre ses conséquences : elle prédit qu'elle mènerait inévitablement à l'expulsion des Palestiniens et à la violation de leurs droits[sup]16[/sup] ».
De fait, une fois le partage voté à l'ONU, une victoire arabe en 1948 aurait sans doute signifié non seulement la fin de l'État d'Israël, mais aussi de la présence physique d'une communauté juive autonome en Palestine. À l'inverse, dans l'esprit des dirigeants du ychouv, une victoire israélienne ne pouvait passer que par l'expulsion massive des Palestiniens, seul moyen d'ancrer dans les faits un « État juif », de s'assurer que la « balance démographique » ne pencherait pas rapidement dans un sens qui verrait l'État en question avoir une majorité de citoyens arabes.
Conjugués, ces trois principaux non-dits ont fabriqué la principale fable de l'historiographie officielle israélienne, martelée deux générations durant, jusqu'aux années 1990 : « Les Arabes sont volontairement partis. » De toutes les légendes qui furent forgées, celle de la « fuite volontaire » des Palestiniens a le plus souffert des travaux des « nouveaux historiens » israéliens. Hormis ceux pour lesquels l'aveuglement ou le cynisme sont une seconde nature, il n'en reste rien.
Les données sont simples : le partage alloue 14 000 km2 à l'« État juif » à naître, qui inclut à ce moment 558 000 Juifs et 455 000 Arabes ; et 11 500 km2 à !'« État arabe » de Palestine, incluant 804 000 Palestiniens et seulement 10 000 Juifs ; 106 000 Arabes et 100 000 Juifs résident dans ce qui doit devenir, entre Jérusalem et Bethleem, une « zone internationale », qui ne verra jamais le jour. Aux Palestiniens destinés à se retrouver dans l'État juif vont s'ajouter 470 000 habitants des territoires qu'Israël va conquérir durant la guerre. De ces 875 000 Palestiniens qui auraient dû se retrouver dans ce qui constitua Israël à l'issue de la guerre, il n'en restera, après de nouvelles expulsions survenues après le cessez-le-feu avec les États arabes, que 150 000. Les autres — soit 82 % d'entre eux—se sont retrouvés expulsés : soit manu militari, pour une moitié environ, soit sous les influences conjuguées de la menace, de la teneur et du sentiment d'abandon et d'impuissance qui envahit ceux qui y
furent soumis.
Comme le résume d'une phrase Benny Morris, pour la période charnière d'expulsions massives d'avril-juillet 1948, faisant aussi au passage le lit de la légende des « appels à partir lancés par les dirigeants arabes », constatant non seulement qu'il n'y en a aucune trace mais que les archives israéliennes montrent précisément l'inverse : « Jamais, écrit-il, la population palestinienne n'abandonna ses maisons avant qu'une attaque ait eu lieu[sup]17[/sup]. » Morris montre que la légende des « appels du mufti et des dirigeants arabes » aux Palestiniens à s'enfuir est une fabrication. Longtemps, en effet, la « version officielle » israélienne prétendit que les dirigeants arabes avaient eux-mêmes appelé les Palestiniens à s'exiler, pour laisser leurs armées nettoyer la Palestine et « jeter les Juifs à la mer ». Morris démontre qu'en réalité leur comportement fut exactement inverse, que cette thèse est une invention des dirigeants israéliens parfaitement au courant des faits opposés. Polémiquant avec l'un de ses plus virulents critiques, l'historien israélien ShabtaïTéveth, qui cherche à accréditer, au moins pour la période qui précède l'établissement de l'État hébreu, la « version officielle » si longtemps martelée par les institutions israéliennes, Morris rétorque : « Les services de renseignement de la Hagana et les missions diplomatiques occidentales au Moyen-Orient, à cette époque, apprirent, enregistrèrent et citèrent des ordres et des appels arabes aux Arabes de Palestine, du roi Abdallah, du commandant de l'Armée de libération arabe Fawzi Kawoukji et de Radio-Damas, leur demandant de rester dans leurs foyers ou, s'ils étaient déjà exilés, de retourner en Palestine[sup]18[/sup]. »
Maisons et villages entiers furent, sur ordre, rasés de la carte, parfois très rapidement après leur conquête, d'autres jusqu'en 1952. En tout, quelque 400 villages palestiniens « disparurent », sur 500[sup]19[/sup]. La plupart (350, selon Flapan) avaient été « incendiés, dynamités et minés » immédiatement après l'expulsion des habitants. À l'exception des cités de Ramleh et Lydda, dans les grandes villes, comme Haïfa, Safed, Tibériade, Jaffa, une partie de Jérusalem, l'expulsion fut mise en œuvre avant le déclenchement de la guerre israélo-arabe, et les appartements des « absents » furent distribués avant même son achèvement. Des Israéliens se disputèrent entre eux à Jaffa pour prendre possession de certaines villas « abandonnées ». À Jérusalem, les plus belles maisons ottomanes d'un quartier résidentiel furent allouées à des officiers du Palmakh méritants.
La réalité est que l'expulsion fut souhaitée, coordonnée, accompagnée d'exactions systématiques et de tueries contre la population civile, les propriétés villageoises rasées sur ordre (de manière très inégale selon les zones dans un premier temps), et que cette expulsion fut menée à bien, pour près de la moitié, avant même que les États arabes n'attaquent Israël. Les faits révélés longtemps par les historiens palestiniens, à partir de témoignages, sont désormais si vérifiés, si abondants, si accrédités par des directives militaires mais aussi politiques (quoique, du côté israélien, des archives restent encore inaccessibles), que la tentative de les nier paraît désormais dérisoire. Il suffit d'indiquer les mots mêmes que les rapports de commandants locaux utilisaient, tels qu'ils apparaissent dans les archives de Tsahal : tel village avait été « épuré » (en hébreu « touhar », qui peut aussi se traduire par « purifié »), dans telle zone l'« opération nettoyage » (mivtzah nikayion) avait été un succès. Les termes étaient immédiatement compris pour ce qu'ils signifiaient : la population avait été expulsée.
On l'a vu, l'idée du « transfert » de la population arabe locale avait été longuement émise par de nombreux dirigeants du ychouv[sup]20[/sup], et sérieusement discutée depuis une dizaine d'années lorsque est décidé le partage de la Palestine. Mais une intention générale, un souhait, même si sa réalisation est vivement espérée, n'équivaut pas à une préméditation de l'acte au moment où il est commis. Aucun « plan général d'expulsion », aucun « projet » écrit en ce sens n'ont été mis au jour par les historiens, bien que les indices, nombreux, abondent en ce sens, en particulier, bien entendu, le fameux « plan D », adopté par l'état-major de la Hagana le 28 mars 1948, alors que les expulsions sont déjà engagées, et qui ouvre la phase d'offensive militaire et de « transferts » massifs en leur fournissant ce que Benny Morris nomme un « ancrage stratégico-idéologique[sup]21[/sup] ». Flapan rappelle que ce plan prévoit la « destruction de villages, d'armées ennemies et, en cas d'opposition lors des perquisitions, l'expulsion des populations vers des points situés hors des frontières de l'État[sup]22[/sup]».
« Longtemps, explique Ilan Pappé, je me suis préoccupé de savoir s'il y avait eu ou non un plan global d'expulsion des Palestiniens en 1948. Jusqu'à ce que je réalise que je me fourvoyais[sup]23[/sup]. » Ses recherches, conclut-il, l'ont amené à la conclusion que l'essentiel, pour la mise en oeuvre d'un projet longtemps mûri, ne tient pas à la préexistence d'un « plan global » (masterplan). « Ce dont vous avez besoin, c'est d'une atmosphère, de gens endoctrinés, d'une communauté idéologique, vous avez besoin de chefs à chaque maillon de la chaîne de commandement qui sauront quoi faire le moment venu, même s'ils ne reçoivent pas d'ordre explicite en ce sens[sup]24[/sup]. » Une vision corroborée par ce fait patent : lorsque les premières expulsions sont entreprises, aucun commandant local ne reçoit l'ordre de cesser d'y procéder. Chacun peut dès lors comprendre, sans qu'elle ait besoin d'être formulée, quelle est la direction à suivre.
Finalement, les « preuves » mêmes de la volonté d'expulser, de la conviction partagée par l'immense majorité des Juifs du ychouv qu'elle est la condition préalable à l'existence pérenne de l'État d'Israël, ne se trouvent-elles pas précisément dans le déni dont elles vont faire l'objet ? Tous les dirigeants israéliens vont dès lors marteler non seulement que les Palestiniens ont « fui volontairement », mais que leur État n'en a « pas expulsé un seul[sup]25[/sup] ». Quel peut être le sens profond d'une annulation instantanée aussi spontanée d'un fait historique désormais reconnu à la fois comme patent et fondateur, qui fournit à l'identité juive de l'État, inscrite dans ses Lois fondamentales, sa matérialité physique ? Retour aux questions qui taraudent Gideon Levy. « Peut-être, écrit-il, fallait-il nous comporter comme nous l'avons fait. Peut-être qu'il n'y a pas eu d'autre possibilité. Mais pourquoi avoir menti toutes ces années ? Pourquoi ne pas dire : un droit s'est confronté à un autre, une victime en a rencontré une autre et ce qui en est résulté était inévitable. Nous avons dû les expulser. C'était eux ou nous. Cela serait beaucoup plus convaincant que le mensonge[sup]26[/sup]. »
Pourquoi n'avoir pas dit cela ? Pourquoi s'être muré dans le déni des faits et de la responsabilité ? Sans doute parce qu'une version plus équilibrée n'eût pas été, elle non plus, exempte de contradictions. Levy constate que, si lorsqu'on commence d'envisager les choses sous l'angle de la responsabilité partagée, il apparaît vite que nombre des actes commis par les Israéliens n'avaient rien d'« inévitable ». Et surtout, parce que la mise en place d'un mensonge étanchement verrouillé est plus efficace pour la constitution d'une image de soi valorisante que d'admettre une vérité. La reconnaissance d'une expulsion pour le moins vivement souhaitée, mise en oeuvre de manière concomitante à l'établissement de l'État, heurtait trop profondément les tropismes fondamentaux du ychouv. Accepter une équivalence, une forme de parité victimaire, dans le rapport aux Palestiniens — « une victime a rencontré une autre victime » — serait revenu à abattre l'une des pièces maîtresses de la conception générale de la majorité du ychouv, son image de soi profondément ancrée de victime unique, d'agressé constant lui-même vierge de toute agressivité — et ce, dans un moment où, même si un nombre infime de rescapés de la Shoah participèrent à la guerre de 1948 dans les troupes de choc qui mirent en œuvre l'expulsion, l'extermination très récente des Juifs d'Europe contribuait à donner au ychouv un statut d'héritier politique putatif des victimes du crime parmi les crimes.
Idéologue du Mapam, le parti de la gauche sioniste, Simha Flapan résuma ainsi cette attitude : « Pour la plupart des Juifs de Palestine, les Palestiniens arabes furent toujours marginaux, vivant hors de la société juive, même s'ils formaient la majorité. Leur présence ne fut ressentie que lorsqu'ils prirent les armes contre ce qu'ils considérèrent comme un empiétement sioniste sur leurs droits et leurs biens. Et ce que [les Palestiniens] considéraient comme une défense apparut dans la conscience sioniste comme l'intrusion de la violence dans l'effort pacificateur des colons juifs. [...] La droiture qui permettait aux Juifs de défier les normes éthiques acceptées fut intensifiée par le fait qu'ils projetèrent sur les Arabes la colère et la volonté de vengeance qu'ils ressentaient à l'égard des nazis. Un processus facilité par la propagande, qui dépeignait constamment les Arabes comme les disciples de Hitler[sup]27[/sup]. »
Dire alors « c'était eux ou nous, il n'y avait pas d'autre possibilité » eût été admettre que, même à son corps défendant, le nettoyage ethnique était constitutif de la nature du ychouv. De fait, l'idée « eux ou nous » était, fondamentalement, la vision de la droite ultranationaliste du camp israélien, beaucoup moins encline que la direction travailliste à se prévaloir de valeurs universelles[sup]28[/sup]. « Eux ou nous », c'était s'aligner sur les positions d'un Vladimir Jabotinsky, chef historique du sionisme révisionniste, qui expliquait depuis longtemps que le conflit avec l'environnement arabe était insoluble, que l'implantation juive agressait la population indigène et qu'il était vain d'imaginer qu'elle n'y réagirait pas ; que donc seule l'instauration d'une « muraille d'acier », seule une main de fer démontreraient aux Arabes l'inanité de l'espoir d'en finir avec le sionisme. Eux ou nous, nous contre eux, c'était avaliser une vision ethniciste du conflit, une vision où, right or wrong, la force prime sur le droit[sup]29[/sup], la force impose son propre droit, qui vient l'avaliser.
Rapidement, la vision de la primauté de la force a très largement imprégné la société israélienne, structurant toute sa conception sécuritaire, tout en étant assumée de manière incomplète et ambivalente. Elle contribua à créer ensuite, à partir de l'occupation de 1967, une image de soi trouble et « schizophrène », dans laquelle la justification des pires méfaits, au nom de l'autodéfense légitime, se mêle à la perpétuation de leur déni. Mais, aux lendemains de 1948, elle restait trop antagonique avec l'image que la direction du ychouv cherchait à promouvoir : celle d'un conflit entre un camp portant les valeurs de civilisation, de paix, de progrès, d'émancipation, de liberté, face à un camp, celui des « Arabes » en général, rétrograde et agressif. Cette direction choisit en conséquence d'ériger le déni des faits et des responsabilités en histoire officielle.
Le passé absent de la littérature
Lorsque la guerre du Kosovo éclata, en 1999, un éditorialiste israélien s'écria en substance : « Quelle chance nous avons eu que CNN n'ait pas existé en 1948 sinon le monde entier aurait pu voir en Palestine les images que nous voyons aujourd'hui.. Il faisait référence aux colonnes de Kosovars s'enfuyant vers l'Albanie ou la Macédoine proches. « Dor Tachakh » (la génération de 1948), ses combattants au premier rang, n'a pas pu ne pas voir les colonnes de Palestiniens sur les routes, en voiture, en carriole, à dos de mulet, à pied sur tout, par dizaines ou centaines le plus souvent, par dizaines de milliers après les évacuations des grandes villes : 60 000 fuirent Haïfa en trois jours après les bombardements, 70 000 furent évacués à la pointe du fusil de Lydda et Ramieh, qui en camions préparés à l'avance par les Israéliens, qui à pied ou à dos d'âne L'ancienne soldate de 1948 Tikva Honig-Parnass, cinquante ans après les faits, essaie de comprendre ses motivations dans sa participation active à l'expulsion, en toute bonne conscience, avec le sentiment d’être du côté de la justice. Elle retrouve, dans les lettres envoyées alors à sa mère, l'« occultation totale de l'"ennemi" en tant qu'humain[sup]30[/sup] » qui, écrit-elle, les caractérisait alors, elle et ses compagnons d'armes. Elle évoque la « transparence » de la population indigène aux yeux de cette génération ; population
avec laquelle elle n'avait eu jusque-là aucun contact et devant laquelle elle passait sans la voir », « l'absence supposée d'affect, ni joie ni haine, vis-à-vis des Arabes palestiniens. Cette attitude correspondait à la vision des Arabes comme un "objectif environnemental" qu'il fallait gérer de manière rationnelle[sup]31[/sup]. Elle correspondait, aussi, à l'éducation de cette génération, élevée dans le culte du « nouveau Juif », définitivement exempt des tristes tropismes supposés qui avaient affecté les Juifs de la galout (diaspora), les avaient rendus « faibles », « malades », dont la « sensiblerie » était bien le pire des travers. Elle cite dans son article, une des lettres envoyées à sa mère à 1’époque.
« Parmi nos éclaireurs, écrivait-elle, il y a deux Américains arrivés ici il y a un mois et demi seulement. Des gars formidables. Mais hier, quand ils ont vu tous ces Arabes, ces femmes et ces enfants rentrer dans leur village, affames, ils les ont pris en pitié. Le soir, ils se sont mis à crier. Ils disaient que si 1’État juif n'est pas en mesure de prendre en charge l'économie des territoires qui conquiert, alors il n'a nul besoin de mener cette guerre. Ils disaient aussi qu il ne faut pas tuer des Arabes hors de toute nécessité. Bref, concluait la soldate, ces sionistes idéalistes, avec leur attitude philanthropique envers la vie et le monde, sont parfois très énervants[sup]32[/sup]. » Et d'ajouter, rétrospectivement, combien ce passage de sa missive est « typique de la génération de 1948. À l'inverse de la distance et de l'indifférence que je manifestais devant le destin de ces femmes et enfants affamés, j'exprimais des sentiments énergiques de mépris et de colère, au contraire, pour ceux qui avaient osé manifester à leur égard des sentiments humains[sup]33[/sup] ».
Cinquante-cinq ans plus tard, dans la seconde Intifada, les mêmes « distance et indifférence » pour le sort fait aux Palestiniens et les méthodes utilisées à leur égard émergeront puissamment du sein de la société israélienne, accompagnées d'une dérision similaire pour « les belles âmes » israéliennes, indignées par la répression et la déshumanisation du quotidien des Palestiniens, et d'un mépris affiché envers toute « attitude compassionnelle », perçue comme le symptôme d'une faiblesse perverse et d'une détestable haine de soi.
Pour éviter la propagation potentielle d'une « très énervante » attitude compassionnelle, source potentielle de remise en cause politique, mieux valait, cependant, occulter les faits de la mémoire collective. On le verra bientôt en détail, dans les livres scolaires israéliens, jusqu'au milieu des années 1990, les aspects « civils » de la guerre d'Indépendance seront réglés en quelques lignes. « Enfuis volontairement »... Fermez le ban. Politiquement, la « question palestinienne » n'y existe pas. La littérature offre un exemple fort, parce que indépendante de directives politiques, de cette occultation des faits essentiels du passé. En 1950, l'écrivain israélien S. Yzhar (Yzhar Smilanski) publie une nouvelle, intitulée Khirbet Khizeh (La ruine de Khizeh). Il y décrit l'investissement d'un village par les forces israéliennes, les exactions, l'expulsion. L'oeuvre restera assez célèbre en Israël, sans susciter aucune remise en question historiographique. Vingt-sept ans plus tard, sur un scénario de Daniela Carmi, le cinéaste israélien Ram Levy en fera un téléfilm, qui fera l'objet de diverses polémiques. Essentiellement : devait-il être montré à la télévision publique ? Le compromis consistera à accepter sa projection — mais pas en « prime time ». Le soufflé retombera vite. Après « Khirbet Khizeh », il faudra attendre trente-cinq ans avant qu'une nouvelle oeuvre lit-
téraire évoque les événements cachés du passé, avec la trilogie romanesque de Netiva Ben Yehuda, elle aussi basée sur des souvenirs personnels, publiée à partir de 1984[sup]34[/sup]. L'auteur évoque, en particulier, le massacre d'Ein Zeitoun, les exactions et humiliations des civils palestiniens. Depuis, la mémoire des événements de 1948 a progressivement intégré l'espace intellectuel et artistique israélien, mais dans une mesure qui reste marginale.
« Les Palestiniens n'existent pas »,
les réfugiés non plus
Les deux principales reconstructions historiques, celle qui ignore les « éléments dérangeants » du plan de partage onusien et celle qui transforme les victimes d'un nettoyage ethnique en responsables de leur propre sort[sup]35[/sup], vont créer deux « fondamentaux » israéliens qui vont perdurer politiquement durant près de quarante ans, dans l'action gouvernementale comme dans les mentalités populaires. Le premier considère, comme le répéta plusieurs fois Golda Meir, diplomate et Premier ministre de 1969 à 1974, que « les Palestiniens n'existent pas, il n'y a que des Arabes ». Le second nie aussi la composante la plus essentielle de l'identité palestinienne : celle d'être, précisément et avant tout, un « peuple de réfugiés ». Longtemps, pour les Israéliens, il n'y aura pas plus de « réfugiés » que de « Palestiniens », puisque les personnes concernées ont « choisi » de partir. Il n'y a que des gens qui ont fait le mauvais choix au mauvais moment — à ceux qui dirigent les pays arabes où ils se trouvent de s'en occuper. Les réfugiés ne sont pas un problème qui concerne Israël.
Avec la réémergence d'un mouvement national palestinien organisé, l'occupation de Gaza et de la Cisjordanie à partir de 1967 et surtout la première Intifada en 1987, la première de ces reconstructions va progressivement se fissurer. L'acceptation de l'existence de l'autre peuple mènera à l'accord d'Oslo, parallèlement à l'acceptation palestinienne de la « réalité » d'Israël. Désormais, même parmi les adversaires les plus farouches d'Oslo, peu en Israël contestent encore l'existence du peuple palestinien. Au contraire : revenant à Jabotinsky et au « mur d'acier », les ennemis les plus conséquents des Palestiniens, y compris un ultranationaliste comme le rabbin Benny Elon, chef du « parti du transfert », justifient aujourd'hui leur refus de tout compromis territorial précisément par le caractère national irréductible de l'adversaire[sup]36[/sup]. De ce point de vue, les Palestiniens ont « gagné » : leur « oubli » dans l'historiographie officielle israélienne, la thèse de leur « inexistence » en tant qu'entité distincte, ont été largement expurgés des consciences israéliennes. Certes, pas de toutes : pour une Limor Livnat, ministre de l'Éducation, les Palestiniens continuent de ne « pas exister » : Arafat, écrivait-elle en 2001, «est égyptien[sup]37[/sup]»...
En revanche, le tabou quant à la responsabilité dans la création du problème des réfugiés, lui, est resté extraordinairement prégnant. Que dit, cinquante-trois ans plus tard, le chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, dernier représentant actif, avec Shimon Pères, de la « génération 1948 » ? Évoquant les pourparlers menés avec l'Autorité palestinienne à Taba, en décembre 2000-janvier 2001, il s'offusque : « II était question qu'Israël reconnaisse sa responsabilité dans le problème des réfugiés, alors que, sur ce sujet, les Israéliens n'ont rien à se reprocher[sup]38[/sup]. » Son prédécesseur, le travailliste Ehoud Barak, déclare de son côté : « Nous ne pouvons pas accepter la responsabilité historique de la création du problème[sup]39[/sup]. » La nuance est, à vrai dire, de taille. Le premier maintient le déni radical, celui énoncé par Ben Gourion, écorné depuis vingt ans et qu'il s'agit de restaurer (son ministre de l'Éducation, Limor Livnat, s'y emploiera dès son intronisation, en mars 2001) : Israël n'a rien commis qu'il doive « se reprocher ». La réponse du second est autrement plus sophistiquée, et bien plus difficile à « tenir » politiquement : quoi qu'aient commis les Israéliens, dit Barak, ils ne « peuvent pas » le reconnaître. Il n'explique pas pourquoi, mais on le devine, tant l'admission d'une quelconque « responsabilité historique » dans le destin du peuple palestinien suscite en Israël de crainte pour la préservation de sa propre image.
Sharon représente ces Israéliens qui, aujourd'hui, estiment qu'il n'y a, au fond, aucune autre solution au conflit hormis « terminer le travail » entrepris en 1948. Ceux qui rêvent, et des sondages récurrents montrent qu'ils sont nombreux, d'« aller jusqu'au bout », selon l'expression de Benny Morris[sup]40[/sup] : s'il n'y a « rien à reprocher » au « transfert » de 1948, pourquoi serait-il illégitime de souhaiter qu'il se répète ? Barak exprime le point de vue de ceux qui jugent que mieux vaut oublier cette « vieille histoire », trop compliquée, mais qui savent aussi qu'il est vain d'espérer faire « comme si » la question palestinienne n'existait pas. Ceux-là sont partisans d'une « séparation », bienvenue à la condition qu'elle assure aux Israéliens le maintien d'un rapport de domination sur leur adversaire-partenaire. Ce sera, on va le voir ultérieurement, la clé de l'échec des négociations de Camp David.
Dernière édition par Zoubir8 le Ven 22 Juin - 22:52, édité 1 fois | |
| | | Zoubir8 Commandant
Messages : 1597 Date d'inscription : 11/04/2012 Localisation : Paris
| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Ven 22 Juin - 20:26 | |
| (suite)
David et Goliath
Diverses autres reconstructions historiques mythifiées, issues de la guerre de 1948, sont restées très présentes à ce jour, toutes liées à la construction d'une identité nationale fondée sur le statut de victime, dénuée de toute agressivité, dans les actes comme les intentions.
La principale est celle, constitutive jusqu'aujourd'hui de l'identité israélienne, de « David affrontant Goliath ». Elle dérive directement de la vision de la guerre de 1948 présentée à la population : » Un petit État envahi par cinq États », « 600 000 Juifs contre 30 millions d'Arabes ». Hormis le fait que cette vision élude une donnée fondamentale — Israël bénéficia du soutien politique et de la Maison-Blanche et du Kremlin, ce qui, dans les conditions de l'époque, constituait un avantage à la fois unique et cardinal —, elle passe sous silence surtout les données brutes du rapport des forces militaires. On sait désormais que le ychouv, y compris dans la courte période qui suivit l'attaque des pays arabes, deux à trois semaines où il connut de réelles difficultés militaires, disposa dès le départ, lors de la guerre civile avec les Palestiniens et les « bandes arabes » venues les soutenir, qui précède et suit la résolution de l'ONU, puis au moment de l'attaque des États arabes et jusqu'aux accords de cessez-le-feu avec eux, d'une supériorité militaire qui alla croissant, jusqu'à devenir écrasante.
Cette supériorité, en quantité et qualité tant du « matériel humain[sup]41[/sup] », comme disent les généraux, qu'en armements, blindés, pièces d'artillerie et aviation, est désormais établie par les historiens. Pour résumer, le 15 mai 1948, lorsque les États arabes attaquent, ils déploient 28 000 soldats. En face, « la Hagana totalisait entre 30 000 et 35 000 hommes, l'Irgoun et le Lehi [les deux groupes armés « révisionnistes » — SC], à eux deux, en possédaient 3 000. [...] À la mi-juillet, les FDI [Tsahal] alignaient près de 65 000 hommes. [...] Les armées arabes devaient compter à peu près 40 000 hommes sur le territoire palestinien[sup]42[/sup] ». Très vite, également, l'armée juive, mieux armée et beaucoup mieux approvisionnée que l'adversaire, grâce à sa capacité à contourner l'embargo décrété par l'ONU, aura la maîtrise exclusive du ciel. Il faut cependant se replacer dans le contexte de l'époque pour comprendre que les dirigeants du ychouv furent en partie eux-mêmes surpris de constater l'ampleur de leur supériorité militaire, qui ne leur apparaît pas évidente lorsque la guerre civile s'envenime, en décembre 1947 — d'ailleurs, jusqu'en mars 1948, la guerre judéo-palestinienne ne désigne pas de vainqueur indiscutable, avant de basculer clairement en faveur du ychouv —, et moins encore le 15 mai 1948, lorsque débute la phase de guerre conventionnelle. À l'époque, « les commandants de la Hagana évaluaient les chances de victoire à 50-50[sup]43[/sup]».
« Cinquante-cinquante », c'est suffisant pour craindre le pire, mais ce n'est pas « David contre Goliath ». On se bornera donc à ce constat : pour perpétuer, comme ils le font, cette image d'Épinal, aucun livre d'histoire scolaire israélien n'a jamais fourni les données militaires brutes que nous venons d'évoquer. De sorte que l'aboutissement d'une guerre à 600 000 contre 30 millions, dans laquelle Israël inflige à ses adversaires une défaite en rase campagne et accroît son propre territoire de 46 %, ne peut se comprendre que comme un « miracle », renforçant par là même les tropismes les plus chauvins et mystiques à l'oeuvre dans le pays[sup]44[/sup].
À ce jour, la perpétuation de l'image de David contre Goliath est toujours puissamment ancrée dans les mentalités. Elle tire sa source du même constat : territorialement et démographiquement, Israël reste un État minuscule entouré d'une « mer » d'hostilité. Un constat qui explique, pour beaucoup, les peurs israéliennes, quoique, on le verra dans un chapitre ultérieur, il n'y suffise pas à lui seul. Transposée sur le terrain politique et militaire, cette image du « petit » se défendant contre un adversaire immensément plus puissant apparaît, à l'aube du xxr siècle et dans le monde unipolaire actuel, encore plus irréelle qu'il y a cinquante-sept ans. Elle rappelle, par certains aspects, l'attitude des communistes d'antan qui justifiaient chaque agression de l'URSS contre la population en révolte dans un de ses satellites par le fait que « contrairement aux apparences », Moscou était le « petit » qui devait se défendre face au monstre impérialiste. Dans sa première grande interview à la presse, l'actuel chef d'état-major, le général Moshe Yaalon, après avoir assimilé la « menace » palestinienne à un « cancer » qu'il « traite par la chimiothérapie » avant d'envisager « toutes sortes d'autres solutions », dont « la nécessité d'amputer les organes », s'exprimait ainsi : « Deux sociétés sont en compétition pour un territoire et, jusqu'à un certain point, pour leur existence. Je ne crois pas qu'existe une menace existentielle pour la société palestinienne. Pour nous, il y en a une. En d'autres termes, il y a ici une asymétrie, mais inversée. Chacun croit que nous sommes Goliath et qu'ils [les Palestiniens] sont David, mais je maintiens que c'est le contraire[sup]45[/sup]. »
On a bien lu : ce n'est pas même le monde arabe, ou musulman, qui constituerait ce Goliath menaçant l'existence d'Israël, mais la « société palestinienne ». Il ne faut pas, explique le général, croire ce que l'on voit. Spontanément, on pourrait effectivement constater une « asymétrie » entre un Etat d'Israël constitué, avec son territoire internationalement reconnu, établi sur 78 % de la Palestine mandataire, bénéficiant jusqu'ici du soutien diplomatique et militaire sans faille de Washington, avec son armée de loin la plus puissante de la région, ses F-16, ses Apaches, ses chars, ses missiles et sa bombe atomique, avec ses élites éduquées, son économie développée, face à une société exsangue, maintenue sous occupation et à laquelle est dénié tout droit à l'autodétermination, réduite à la portion congrue du territoire, « bouclée » a volonté et désormais aussi emmurée, dont les moyens militaires se réduisent à des mitraillettes, des mortiers et des explosifs de fortune, et dont les citoyens sont quotidiennement soumis, pour accomplir les moindres de leurs activités, au bon vouloir des soldats israéliens.
Cette vision-là, nous indique le général, est fallacieuse. C'est le contraire : c'est la « société palestinienne » qui est « Goliath », et Israël reste, face à elle, le petit « David » armé de sa seule fronde affrontant un géant surpuissant. Le déni des réalités, l'« inversion » que revendique le général Yaalon atteignent là une dimension qui serait dérisoire si ses conséquences n'étaient aussi tragiques — pour les Palestiniens au premier chef, et aussi pour les Israéliens.
La « supériorité morale » sur l'adversaire
Une dernière mythologie importante condense et rassemble toutes celles que nous venons d'évoquer. Il s'agit bien là d'une mythologie dans l'acception la plus forte : une construction de l'esprit à la puissance symbolique significative, à la fois structurante et, si besoin, mystificatrice. Il s'agit de la notion de « pureté des armes ». « Tohar HaNéchek », dit-on en hébreu. L'expression est un véritable archétype du langage israélien, répété à satiété, en toutes circonstances, par ses hommes politiques, ses militaires, ses éducateurs et ses poètes. Elle réapparaît avec plus de force, évidemment, dans chaque situation conflictuelle.
« Pureté des armes » ? On peut comprendre la vénération dont fait l'objet le soldat, en particulier au sein de nations jeunes et dans la période qui suit leur constitution à l'issue d'un conflit armé. On peut cependant se demander par quel aveuglement une communauté humaine, quelle qu'elle soit, en vient à conférer un statut de « pureté » aux instruments de mort auxquels son soldat a recours. On peut s'interroger plus encore : transposée sur le terrain politique ou social, on sait combien l'aspiration à la « pureté » en général, au vu de l'expérience du siècle écoulé, peut être à l'origine de terribles violences. La « pureté » érigée en dogme politique mène souvent à l'épuration, à la « purification » — politique, ethnique ou autre.
Le concept de la « pureté des armes » contient l'idée d'une supériorité éthique sur l'adversaire ; et, par contrecoup, celle de l'infériorité morale de ce dernier. Il apparaît avant 1948, dans le Palmakh, les troupes de choc de la Hagana, explique Ouri Ben Eliezer, sociologue à l'université de Haïfa et spécialiste de l'armée israélienne. « II est issu de la tradition révolutionnaire et socialiste de la direction du ychouv et évoque à la fois les notions de moralité, de haut niveau de conscience et de motivation idéologique. La guerre d'Indépendance va ensuite instaurer cette expression comme effigie identitaire de la stature morale constitutive et supérieure de l'armée israélienne[sup]46[/sup]. »
L'idée sous-jacente est évidente : l'intention du mouvement national juif étant « pure » — émancipatrice et salvatrice —, l'instrument de sa mise en œuvre, politique ou militaire, l'est par définition, ou par conséquence. Ce transfert dans la caractérisation normative — de la fin au moyen, de l'intention à l'acte —, que le stalinisme triomphant saura élever un temps à un degré inégalable - la révolution et la dictature du prolétariat enclenchant l'émancipation de l'humanité tout entière, c'est-à-dire la plus « pure» ambition qui soit, le goulag ne pouvait être qu'un « mensonge » -, ce transfert va s'imposer d'autant plus facilement que l'armée israélienne est au départ, et reste largement à ce jour, à la fois objet d'une immense fierté, symbole vénéré de la transformation voulue et revendiquée du Juif nouveau en être fort, et véritable creuset d'intégration sociale d'une population issue pour sa plus grande part d'une immigration.
Il a longtemps régné dans Tsahal, armée par ailleurs hiérarchisée et disciplinée comme toute autre, une ambiance faite de fraternelle camaraderie, de simplicité des relations et de très grandes autonomisation et responsabilisation de ses niveaux hiérarchiques, qui ne s'explique que par le très haut degré d'adhésion de ses membres, militaires de carrière comme conscrits, aux « intentions » au service desquelles elle a été constituée. Ouri Ben Eliezer considère cependant que Tsahal a, progressivement, largement abandonne son caractère de vecteur de 1'État-nation en armes[sup]47[/sup] » qui l'a longtemps identifiée. Elle le reste cependant dans une grande mesure, non plus, comme en 1948, mise au service d'une expulsion, mais, depuis 1967, au service de l'occupation d'un peuple et de la protection des colons, même si nombre de jeunes Israéliens, la plupart précisément au nom du « patriotisme », récusent désormais l'équivalence entre la « pureté » des intentions de leur nation et celle supposée des moyens qu'elle utilise pour en opprimer une autre.
En vérité, les armes du premier jour n'étaient pas « pures ». Dernier détour par Tantoura : même s'il fut inspiré par une fureur vengeresse, ce massacre ne fut pas isolé. Il y en eut d'autres en 1948. Tom Segev a raison, les deux parties commirent alors des crimes de guerre. Mais ils furent bien plus nombreux et systématiques du côté israélien. Non que la partie arabe eût été alors plus « morale » dans la guerre ; simplement, elle fut, dans la majorité des phases, sur le recul. Par massacres, on entend des tueries délibérées, comptant chaque fois de 50 à 250 victimes en une même circonstance, soit des civils, incluant vieillards, femmes et enfants (souvent par le dynamitage des maisons avec leurs occupants enfermés à l'intérieur), soit des civils et des miliciens palestiniens prisonniers, abattus d'une balle dans la nuque avant d'être jetés dans une fosse commune. Cela advint à Ein Zeitoun, à Eilaboun, à Jish, Safsaf, Lydda, Sasa, Dawayima, Majdal-Kroum, Balad el-Cheikh, Salha. Et bien entendu à Deir Yassine. Certains cas sont moins avérés. Benny Morris écrit, par exemple, qu'à Khirbet Nasser ad-Din, avant l'attaque sur Tibériade, « visiblement, des atrocités furent commises[sup]48[/sup] ». Itzhak!, l'ancien archiviste en chef de Tsahal, dénombre « une dizaine » de tels assassinats collectifs, et une centaine de meurtres de petits groupes hors de tout combat, des pillages et exactions diverses, qui terrorisèrent chaque fois les populations du lieu et celles des villages et bourgs environnants, et jouèrent un rôle moteur dans leur « fuite ». Des décomptes palestiniens font état de massacres collectifs en plus grand nombre.
La question est de savoir pourquoi, depuis lors, le récit historique israélien n'en recense qu'un seul : celui de Deir Yassine, aux confins de Jérusalem, commis le 9 avril 1948.110 à 254 morts civils, selon les estimations. L'explication la plus simple est que ce massacre fut très vite connu, et ses modalités particulièrement repoussantes, de sorte qu'il ne put être nié. Responsable de la Hagana, Tsvi Ankori témoignera, en 1982, de ce qu'il constata : «Je suis entré dans six-sept maisons : j'ai vu des parties génitales coupées et des ventres de femmes broyés[sup]49[/sup]. » Des viols et des tortures avant la mise à mort ont aussi été évoqués. Des habitants de Deir Yassine furent montrés enchaînés au marché de Jérusalem avant d'être abattus. Cette tuerie fut donc immédiatement condamnée par la direction travailliste du ychouv. Ben Gourion envoya un message d'excuses au roi Abdallah. La vengeance des miliciens arabes se porta, quatre jours plus tard, sur un convoi blindé de civils et militaires juifs, causant 70 victimes, puis sur les implantations juives du Gouch Etzion.
Mais l'explication de l'« unicité » de ce massacre dans l'historiographie israélienne est beaucoup plus fondamentale. Il fut perpétré par des forces de l'Etzel (ou Irgoun) et du Lehi (Groupe Stern), milices ultranationalistes « dissidentes » du ychouv. Lorsque Ben Gourion se lava les mains de toute responsabilité dans le massacre, le mettant sur le compte d'éléments incontrôlés, les commandants de ces deux organisations s'étranglèrent d'indignation : à cette phase de la guerre, toutes leurs opérations étaient coordonnées avec la Hagana ! Deir Yassine n'y avait pas fait exception, dirent-ils. Depuis, divers témoignages, y compris d'anciens officiers du Palmakh, ont accrédité la version des assaillants. Pourquoi, cependant, les responsables ultranationalistes ont-ils rapidement renoncé à défendre leur cause ? À l'évidence, parce que la version du « cas unique » de Deir Yassine était préférable pour tous.
Elle l'était évidemment pour la direction travailliste du ychouv. Presque tous les autres massacres étaient l'oeuvre de ses troupes, dix fois plus nombreuses que les milices ultranationalistes. Mais les crimes du Palmakh devaient être tus et niés, au nom de la « pureté des armes », des intentions immaculées. Le « cas isolé » de Deir Yassine permettait de confirmer la « pureté » de la règle : celle de l'innocence fondamentale des actes, fondatrice pour l'identité collective. L'Irgoun et ses successeurs, le Hérout puis le Likoud, quant à eux, préférèrent en rester là. Polémiquer avec les travaillistes sur Deir Yassine aurait ouvert une boîte de Pandore : les ultranationalistes auraient dû immanquablement évoquer les massacres comparables commis par le partenaire-concurrent du Palmakh. Tout le collectif et son image (de soi et internationale) en eussent souffert. Dans ses mémoires, Menahem Begin, chef de l'Irgoun, pourrait donc évoquer la « propagande mensongère sur les atrocités juives [...] inventées à propos de Deir Yassine[sup]50[/sup] ». Même ce massacre-là devait donc être « inventé », « prétendu »... En patriotes et hommes d'État, une fois acceptée la loi de la majorité, impliquant le renoncement, du moins momentané, au Grand Israël, et une fois leurs troupes intégrées dans Tsahal, Menahem Begin et Itzhak Shamir, qui, ex-chefs terroristes, n'avaient eu que faire de l'invention travailliste de la « pureté des armes », l'adoptèrent derechef comme symbole suprême d'Israël et de son armée.
La puissance de cette notion symbolique, alliée à l'importance centrale de son principal vecteur, Tsahal, feront résister l'opinion à toutes les révélations sur des exactions graves commises dans le passé, mais aussi aux constats circonstanciels ultérieurs de comportements inexcusables, jusque durant les deux Intifada. Ainsi en fut-il des crimes commis lors des « opérations de représailles » des premières années 1950. Le plus célèbre fut celui de Kibya, le 15 octobre 1953, où le bataillon 101, formé par Ariel Sharon, reprenant une méthode souvent mise en œuvre en 1948, piégea avec des explosifs les maisons du village avant d'y entrer et de tirer à tout va : 60 morts, essentiellement femmes et enfants. Ou encore du massacre de centaines de prisonniers égyptiens, après la campagne du Sinaï en 1956, commis de sang-froid par les hommes de celui qui fut longtemps le second de Sharon, le futur chef d'état-major Raphaël Eytan. Durant cette campagne, quelque 500 civils palestiniens avaient aussi été massacrés dans la bande de Gaza pendant et après sa conquête, hors de tout combat. À cette occasion, le colonel Ouri Ben Ari sera démis de ses fonctions. Il sera réintégré dans Tsahal et finira sa carrière général de brigade[sup]51[/sup].
C'est après la campagne de Suez, essentiellement à cause du massacre commis par les troupes israéliennes le 29 octobre 1956 dans le village arabe israélien de Kafr Kassem, que Tsahal inscrira formellement la notion de « pureté des armes » dans son code de conduite, parallèlement avec le droit de refuser d'exécuter des « ordres manifestement illégaux », invoqués aujourd'hui par les insoumis israéliens pour refuser de participer à la répression des Palestiniens. La « pureté des armes » fera également passer sous silence l'expulsion renouvelée en 1967 — ensuite totalement occultée de la mémoire collective — de 250 000 Palestiniens supplémentaires et de la population arabe du Golan, comme elle laissera l'opinion de marbre durant les bombardements de Beyrouth, en 1982. « Tohar HaNéchek », enfin, la « pureté » de l'armée israélienne, servira d'autojustification constante et étonnamment efficace dans les deux Intifadas.
Certes, plus le temps passe, plus Israël s'est enfoncé dans la répression de l'autre peuple, plus a crû l'intensité des méthodes utilisées, et plus la légende de la pureté des armes s'est effritée dans la conscience populaire, suscitant deux phénomènes antagoniques : soit, pour une minorité, le rejet de telles méthodes et la dénonciation de « l'impureté » des militaires israéliens, soit, pour une part plus importante, la justification des actes les plus effroyables, sans plus se soucier de leur nature morale. Mais, même largement entaillée, cette notion sert toujours de paravent fondamental au questionnement, de mécanisme d'autodéfense mental quasi « pavlovien », comme dirait Gideon Levy.
Dans Témoignages, documentaire du cinéaste israélien Ido Sela sur la première Intifada, le commandant d'un bataillon de réservistes, Matti Ben Tsour, psychologue clinicien de profession, raconte une expérience qu'il vécut de manière épouvantable[sup]52[/sup]. Lors d'un « ratissage », la nuit, dans un camp de réfugiés à Tulkarem — événement absolument banal —, son groupe de soldats frappa longuement à une porte. On entendait du bruit à l'intérieur, mais personne n'ouvrait. Conformément aux instructions, il y jeta une grenade lacrymogène. Une famille s'y trouvait, tétanisée de peur. Un homme en jaillit quelques minutes après avec une petite fille de 2 ans dans les bras. Avant que l'ambulance palestinienne n'arrive, un secouriste israélien constata son décès par étouffement, dû aux gaz. Ben Tsour se souvient des « hurlements » qu'il poussa alors sur le père palestinien, « pour lui reprocher de ne pas avoir ouvert la porte ». Un « homme de 40 ans », que, de rage, il « frappa violemment ». «Je me suis vu, dit-il, passer le reste de mes jours avec l'image de cette petite fille. » II se souvient aussi qu'il dut ensuite raconter ce traumatisme à sa famille et ses amis, comme pour « obtenir leur pardon ». Le documentariste lui demande alors : « N'avez-vous pas pensé à demander pardon à la famille palestinienne ?» Le psychologue reste un très long moment silencieux. Puis il répond : «Je n'ai jamais pensé à une telle éventualité. J'étais en colère contre cette famille. Votre question n'est pas pertinente. Ce sont eux qui devraient me demander pardon. Eux qui m'ont mis dans cette situation : ils n'ont pas ouvert la porte, n'ont pas emmené l'enfant sur le toit » après qu'il eut jeté sa grenade.
Toute la bonne conscience israélienne moyenne est condensée dans ce témoignage. C'est, dit le militaire, la famille palestinienne qui devrait s'excuser. Elle était désarmée, terrorisée dans son appartement. Mais la grenade du soldat israélien était « pure ». Lui aussi avait peur, ou du moins était-il anxieux : il ne savait pas à l'avance ce qu'il allait trouver dans cette maison. Mais son intention n'était pas de tuer, il aurait voulu ne pas avoir à jeter cette grenade : ce sont donc « eux » la cause de ses cauchemars... La réaction est typique du conditionnement du déni. Le soldat ne blâme pas la situation à l'origine de l'événement : le rapport de domination, l'occupation militaire. Il ne se demande pas ce qu'il fait lui, en pleine nuit, à frapper à la porte de civils terrorisés dans un camp de réfugiés. Non, il blâme la victime. Si ces Palestiniens avaient seulement ouvert cette satanée porte, aucun enfant ne serait mort ; et lui n'aurait pas eu ses cauchemars...
Aujourd'hui, la « pureté des armes » constitue cependant la référence de beaucoup de ces Israéliens qui refusent d'être partie prenante de la déshumanisation imposée à la population occupée. Lorsque, en janvier 2004, le lieutenant-colonel Eitan Ronen renvoie ses insignes militaires au chef d'état-major, il lui écrit : « La vie humaine a perdu toute valeur, et les valeurs sur lesquelles nous avons été éduqués, telles que la pureté des armes, sont devenues une mauvaise blagues[sup]53[/sup]. » Mais a contrario, cette même « pureté des armes » reste aussi l'argument massue de tous les adeptes des méthodes employées par Tsahal dans sa « lutte contre le terrorisme », celui qui annule d'autorité tout reproche d'amoralité. Lorsque, fin septembre 2003, 27 pilotes de guerre israéliens, dont un « pilote de légende », Yftah Spector, signent une déclaration indiquant qu'ils refuseront à l'avenir de bombarder les Territoires occupés, en particulier dans les zones habitées — « pour taper sur une mouche, on ne se sert pas d'une hache, et si on le fait sciemment, c'est qu'on ne se préoccupe pas de savoir quelles seront les conséquences », expliquera l'un d'eux en substance [sup]54[/sup] — le chef de l'armée de l'air, le général Dan Haloutz, réplique immédiatement en invoquant « la pureté des armes » de Tsahal. Il accuse les pilotes d'être eux-mêmes amoraux, car trahissant en temps de guerre.
On notera cependant une nuance d'importance. Très longtemps, cette « pureté » se traduisit par le déni pur et simple des faits incriminés. Désormais, là où les pilotes « refuzniks » dénoncent une politique délibérée et systématique, le général admet « des erreurs ». Mais c'est pour ajouter aussitôt que, de toutes les armées au monde, l'israélienne est « la plus morale ». Traduit en langage contemporain, le dogme de la « pureté des armes » signifie aux citoyens israéliens qu'entre leurs mains, même s'il arrive désormais à leurs armes d'être sales, elles restent « plus propres » qu'entre celles de tout autre.
Ce qui permettait au même général Haloutz de déclarer, un an auparavant, après que ses pilotes eurent lâché une bombe d'une tonne, tuant le responsable du Hamas Salah Shehadeh et dix-sept autres personnes vivant dans l'immeuble touché, dont dix enfants, que lui, dans de telles circonstances, enfermé dans son cockpit, ne ressentait rien d'autre qu'un « léger souffle d'air»...
La « tzadkanout » :
l'autojustiftcation systématique
Toutes ces mythologies et ces réécritures historiographiques ont pour conséquence d'ossifier une attitude que l'hébreu moderne désigne sous le terme de « tzadkanout », qui signifie « bonne conscience », « autojustification systématique », cette propension spontanée à toujours se percevoir comme « bons, justes, beaux et innocents », pour reprendre la paraphrase de Gideon Levy.
Ce besoin d'occulter ou de nier des vérités troublantes pour la stabilité de leur identité est loin d'appartenir en propre aux Israéliens. On connaît la boutade de Woody Allen concernant les Autrichiens, « ce peuple convaincu que Hitler était allemand et Beethoven autrichien »... Thomas Bemhardt, comme Gideon Levy, ne supportait pas plus l'autojustification spontanée et rassurante à l'oeuvre dans sa propre société. À Washington existe un remarquable musée de l'Holocauste. Ce qui est excellent pour ancrer à jamais la signification universelle de la Shoah. Mais, malgré de longs débats, il n'en existe toujours pas un consacré à l'esclavage. Un musée pour commémorer le plus grand crime contre l'humanité commis par d'autres, sur un autre sol, envers d'autres gens, oui. Un musée pour commémorer un autre des grands crimes collectifs de l'ère moderne, commis par des Américains, sur le sol des Amériques, envers des gens dont les arrière-petits-enfants sont américains, non. Trop tôt encore, sans doute.
Assumer un passé entaché implique un aggiomamento politique qui rende la société capable, au moins partiellement, de tourner le dos au nationalisme, et bien évidemment à l'ethnicisme, sans craindre, précisément, de se désagréger, mais au contraire pour se construire différemment. Si l'Allemagne fédérale a été capable d'entreprendre un bilan de son passé, c'est aussi parce que, hormis pour quelques nostalgiques ou historiens pervers, rien de bon n'était à garder du passé hitlérien. Le basculement collectif dans la démocratie et l'espace européen progressivement constitué expliquent aussi pourquoi ce bilan fut bien plus important à l'Ouest qu'en RDA. Là, le nationalisme était de rigueur. Et l'idéologie stalinienne, avec sa mentalité de forteresse assiégée, fit que le passé hitlérien fut beaucoup plus instrumentalisé à des fins politiques que réellement analysé. De même, si l'ampleur des crimes du passé colonial des grandes puissances européennes peut y être aujourd'hui mieux évalué et assumé, c'est surtout parce que le colonialisme n'y est plus perçu comme un parangon de civilisation. En revanche, le nationalisme et l'Église polonais, dans un État historiquement « victime » des ambitions dominatrices de l'Allemagne, prussienne ou hitlérienne, et de la Russie, tsariste ou soviétique, et qui donc se perçoivent et sont encore largement perçus comme résistants et émancipateurs, éprouvent immensément plus de difficulté à affronter leur passé récent profondément antisémite. De même, le nationalisme kémaliste, encore amplement en vigueur en Turquie, qui se veut lui aussi libérateur, nie toujours obstinément le génocide des Arméniens.
Le déni des faits et l'inversion des responsabilités, ainsi que la conviction de la supériorité morale sur l'adversaire et sa délégitimation, sont des piliers du fonctionnement intellectuel et des attitudes politiques qu'il induit d'un très grand nombre d'Israéliens, fonctionnement désiré et alimenté depuis la création du pays par tous les rouages de l'appareil d'État, et que résume la notion de « tzadkanout ». Pour paraphraser Sartre, dans un monde idéal, le bourreau devrait ne jamais oublier son forfait, et la victime, afin de se reconstruire, devrait, elle, parvenir à « oublier » suffisamment sa souffrance. Dans la réalité, c'est, très généralement, l'inverse qui se produit : le bourreau oublie souvent très vite et refoule sans difficultés ; la victime, sa vie durant, porte le souvenir du malheur et la douleur qu'il génère. Dans les mécanismes agissant au plus profond de la conscience d'une immense majorité des Israéliens, un double mouvement est à l'oeuvre — renforcé à mesure que le conflit se durcit, mais aussi progressivement abandonné par une minorité de plus en plus conséquente d'entre eux. Le premier mouvement exige du monde entier de ne jamais oublier l'abomination infligée aux Juifs. Le second exige avec la même vigueur d'oublier complètement le tort commis par Israël aux Palestiniens.
On entend d'ici les commentaires scandalisés ou paradoxalement rassurés, permettant de délégitimer définitivement l'auteur de ces lignes : nous y voilà donc, on compare Israël aux nazis ! Nous essaierons de montrer combien, au contraire, toute « comparaison » de ce type, bien que fréquente, y compris, à tort et à travers, en Israël même, nous paraît fausse et indigne. Il ne s'agit pas ici de comparer les actes, ni leur degré d'abomination, ni leur portée politique ou symbolique, ni évidemment de réfuter le caractère spécifique de la Shoah, mais de constater les mécanismes d'une attitude extrêmement répandue : d'un côté, l'impératif de mémoire, parfaitement légitime, de la souffrance subie ; de l'autre, l'exigence, tout aussi prégnante mais illégitime, de l'oubli de la souffrance causée à l'autre. Un individu affecté de ce double mouvement serait, a priori, caractérisé de comportement paradoxal, de dédoublement. Comment définir une société imprégnée, dans sa grande majorité, de ce double mouvement-là ?
1 Benny MORRIS, Tikoun Taout : Yehoudim VeAravim BeEretz Israël, 1936-1956 (Corriger une erreur : Juifs et Arabes en Eretz Israël, 1936-1956), Éd. Am Oved, Tel-Aviv, 2000.
2 Gideon LEVY, . Ytakhen Shelo Haïta Efcharout Akheret, Aval Lama Léchaker Kol HaChanim ? » (Peut-être n'y a-t-il pas eu d'autre possibilité, mais pourquoi avoir menti durant toutes ces années ?), Ha'Aretz. 1er novembre 2000.
3 Cf. chapitre 1, « Tantoura », note 23.
4 Benny MORRIS, Tikoun Taout, op. cit. et Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste. op. cit., p. 163-164.
5 Ibid., p.163.
6 Ibid., p. 162.
7 Archives Haïm Weïzmann, 2271, cité par Benny MORRIS, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, op. cit., p. 189.
8 Archives Ben Gourion, CZA Z4-14632,15 octobre 1941, cité par Benny MORRIS, ibid., p. 189.
9 Entretien, 10 juillet 2003.
10 Ibid.
11 Avi SHLAIM, Collusion over the Jordan : King Abdullah, thé Zionist Mouvement and thé Partition of 'Palestine, Clarendon Press, Oxford, 1988. Sur ce sujet, l'ouvrage de Simha FLAPAN (The Birth of Israël, Myths ans Realities, Panthéon Books, New York, 1987) est également convaincant. On n'entrera pas ici dans le débat quant à savoir si cette « collusion » initiale fut rompue, comme le considérèrent Ben Gourion et Golda Meir, par l'entrée en guerre de la Transjordanie, ou si, au contraire, le déroulement de cette guerre apporta la confirmation d'une alliance d'intérêts, tacite et cachée, entre Israël et la Jordanie.
12 Simha FLAPAN, The Birth of Israël, Myths ans Realities (La naissance d'Israël, mythes et réalités), op. cit., p. 58.
13 13 On entend par Palestine mandataire le territoire alloué par la Société des Nations à la Grande-Bretagne (1919-1948) qui, hormis le Golan, correspond à peu de choses près à l'actuel territoire sous contrôle israélien.
14 Cf. Emmanuel NAVON : « Y a-t-il une vie après Oslo ? », Outre-Terre, revue française de géopolitique, n° 1, janvier-mars 2001.
15 15 David BEN GOURION, correspondance. Lettre à Amos Ben Gourion du 5 octobre 1937. Citée par Benny MORKIS, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, op. cit., p. 157.
16 Hannah ARENDT, « Zionism Reconsidered », in « The Jew as Pariah », cité par Amnon RAZ-KRAKOTZKIN, « Bi-Nationalism and jewish Identity : Hannah Arendt and thé Question of Palestine » (Binationalisme et identité juive : Hannah Arendt et la question de Palestine), S. Ascheim éd., Hannah Arendt in Jérusalem, University of California Press, 2001.
17 Benny MORRIS, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, op. cit., p. 280.
18 Benny MORRIS, 1948 and After : Israël and thé Palestinians, Oxford University Press et Clarendon, New York, 1990, p. 29.
19 Diverses listes des villages éradiqués circulent, leur nombre variant de 383 à 418, chiffre donné par l'historien palestinien Walid KHALIDI, All That Remains, Institute for Palestinian Studies, Washington, 1992.
20 L'idée en elle-même d'un « transfert » hors de Palestine de la population autochtone, ou d'une partie d'entre elle, est émise dès les premiers pas du sionisme par son fondateur, Theodor Herzl, non comme un objectif central, mais comme une mesure d'accompagnement nécessaire. Georges Bensoussan en rappelle l'essentiel dans Une histoire intellectuelle et politique du sionisme, 1860-1940, Fayard, Paris, 2002.
21Benny MORRIS, The Birth of the Palestinian Refusée Problem, Cambridge University Press, Cambridge, 1987, p. 62.
22 Cité par Dominique VIDAL et Joseph ALGAZY, Le Péché originel d'Israël, op. cit., p. 67-68.
23 Ilan PAPPÉ, « Israël, a State in Dénial » (Israël, un État en déni), conférence donnée le 16 septembre 2002 à la School for Oriental and African Studies de Londres.
24 Ibid.
25 « Comme Ben Gourion se plaisait à dire à ses interlocuteurs occidentaux : Israël n'a pas expulsé un seul Arabe », m Benny MORRIS, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, op. cit., p. 283, citation tirée de Zaki SHALOM, Ben Gourion, l'État d'Israël et le monde arabe (hébreu), Ben Gourion University Press, Béer Sheva, 1995.
26 Gideon LEVY, « Ytakhen Shelo Haïta Efcharout... », op. cit., Ha'Aretz, 1" novembre 2000.
27 Cité par Dominique VIDAL et Joseph ALGAZY, Le Péché originel d'Israël, op. cit., p. 150. 28 Quoique Zeev Stemhell ait brillamment analysé en quoi le « socialisme national » des fon dateurs du travaillisme israélien assujettissait ses valeurs internationalistes ou humanistes formellement revendiquées à l'impératif prioritaire de la rédemption nationale. Zeev STERN HELL, Aux origines d'Israël. Entre nationalisme et socialisme, Fayard, Paris, 1996. 29 Comme l'a dit un jour Raphaël Eytan, ancien chef d'état-major devenu politicien d'extrême droite (décédé en 2004) : «Je ne crois pas à la paix, parce que si l'on nous avait fait ce que nous leur avons fait, nous n'accepterions jamais de faire la paix. » 30 Tlkva HONIG-PARNASS, « Gaon VeNadiv VeAkhzar » (Sage, généreux et (D'autre part), n° 11, spécial 50e anniversaire de la partition de la Palestine, février 1998. 31 Ibid. 32 Ibid. 33 AM. 34 Netiva BEN YEHUDA, MiB'ad LaAvotot : Roman Al Chlocha Khodachim Be-1948 (Le chemin des liens : roman sur trois mois en 1948), Domino, Jérusalem, 1985. 35 On ne recensera pas ici les autres reconstructions historiques, occultations ou « mythologies » remises en cause, dans la décennie 1990, en Israël, touchant au comportement réel des Britanniques en 1948-1949, présenté jusque-là comme systématiquement pro-arabe (Avi SHLAÏM), à la supposée volonté systématique de paix face au refus arabe de tout compromis (FLAPAN, puis Charles ENDERLIN et Motti GOLAN), ou la mythologie entourant le socialisme israélien, la Histadrout et le kibboutz (Zeev STERNHELL), la manière de présenter, dans l'historiographie, l'« éternité » du peuple juif (Boaz EVRON) ou encore le « sauvetage » des Juifs orientaux par Israël (Yehuda SHENHAV) 36 Entretien, 30 janvier 2002. Benny Elon nous déclarait alors : « Shimon Pères a raison. Le problème démographique est réel, et il ne sert à rien de l'ignorer. Les Palestiniens sont plus nombreux que nous, l'immigration juive ne sera jamais en mesure de concurrencer leur taux de natalité. Et la situation actuelle n'est pas viable, parce qu'ils ont droit à l'indépendance nationale. Mais nous ne pouvons renoncer à la nôtre. C'est pourquoi je suis partisan du transfert. Il n'y a pas de place pour deux États entre la mer et le Jourdain. Les Palestiniens doivent avoir leur État, qui est la Jordanie où ils sont déjà largement majoritaires. » 37 « Les Arabes palestiniens font partie intégrante de la nation arabe. [...] De fait, Arafat, né au Caire, est égyptien. » Limor LIVNAT, « Israël : ma part de vérité », Le Monde, 21 décembre 2001. 38 39 Interview à la New York Review of Books, 13 juin 2002. 40 Cf. chapitre « On est ce que l'on naît ». 41 « Les Juifs, grâce à leur large réserve en officiers entraînés et expérimentés en matière de guerre [beaucoup avalent fait leur apprentissage dans l'armée britannique ou été formés par elle durant la "révolte palestinienne" de 1936-1939, SC], ont un avantage incalculable sur les Arabes », écrivait un rapporteur militaire de l'ONU, le colonel Rosher Lund, avant l'attaque des États arabes (Simha FLAPAN, m Dominique VIDAL et Joseph ALGAZY, Le Péché originel d'Israël, op. cit., p 42 Benny MORRIS, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, op. cit., p. 238-239. 43 Ibid. Selon Simha Flapan (The Birth...), avant que le conflit n'éclate, le chef de la Hagana, Israël Galili, s'était, lui, déclaré convaincu de la capacité israélienne à « repousser toute attaque des Arabes palestiniens, même s'ils bénéficient de l'aide des États arabes ». 44 « Très bien équipées, les armées arabes envahirent le pays. [...] [Face à elles se tenait] notre remarquable jeunesse, "la dernière de l'esclavage et la première de la rédemption". Elle et le monde furent alors témoins de ce triomphe miraculeux : avec l'aide de Dieu, les armées de Dieu et des Israélites l'emportèrent. Le minuscule Israël, né un jour avant, vainquit sept États établis, grands et puissants. Le petit David avait battu Goliath. » Extrait d'un livre scolaire pour les classes de seconde à terminale du réseau national-religieux édité par le ministère Israélien de l'Éducation en 1958, cité par le chercheur israélien Elie PODEH, Arab-IsraeU Conflict in Israeli History Textbooks. 1948-2000, Bergin & Garvey, Westport, Connecticut, Londres, 2003, p. 103. 45 Interview par Ari Shavit, Ha'Aretz, 31 août 2001. 46 Entretien, 14 juillet 2003. Ouri Ben Eliezer est l'auteur de Derekh HaKavénet : Hivatsrouto Shel HaMilitarizm Haisraéli, 1936-1956 (À travers la mire : la formation du militarisme israélien, 1936-1956), Dvir, Tel-Aviv, 1995. 47 Lire l'article qu'il consacre à cette question dans Alain DIECKHOFF et Rémy LEVEAU (dir.), Israéliens et Palestiniens, la guerre en partage, Balland, Paris, 2003 48 Benny MORRIS, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, op. cit., p. 233. 49 Alain GRESH et Dominique VIDAL, Les Cent Clés du Proche-Orient, Hachette, coll. « Pluriel », Paris, 2003, p. 148. 50 Menahem Bein, La Révolte d’Israël, La Table Ronde, Paris, 1971, p.200 51 Benny Morris, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, op.cit., p.324. 52 Edouyot (Témoignages. Les soldats israéliens et l'Intifada), de Ido Sela, Eduyot Association, Les Films d'Ici, Channel 4, RTBF, 1993. 53 Ha'Aretz, 4 janvier 2004. 54 Yedioth Aharonot, 26 septembre 2003
Dernière édition par Zoubir8 le Jeu 9 Mai - 16:54, édité 2 fois | |
| | | Zoubir8 Commandant
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| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Ven 22 Juin - 20:28 | |
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Dernière édition par Zoubir8 le Ven 22 Juin - 22:58, édité 1 fois | |
| | | yak Admin
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| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Ven 22 Juin - 22:20 | |
| bravo Zoubir8une autre petite médaille pour toi
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| | | Zoubir8 Commandant
Messages : 1597 Date d'inscription : 11/04/2012 Localisation : Paris
| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Ven 22 Juin - 22:50 | |
| - yak a écrit:
- bravo Zoubir8une autre petite médaille pour toi
Merci. 1- Est-il possible de joindre un fichier word à un message? | |
| | | yak Admin
Messages : 13552 Date d'inscription : 24/04/2011 Localisation : SUR TERRE
| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Ven 22 Juin - 23:11 | |
| tu fait copie coller ou bien si tu parle d'un fichier PDF la tu colle le lien | |
| | | Zoubir8 Commandant
Messages : 1597 Date d'inscription : 11/04/2012 Localisation : Paris
| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Jeu 9 Mai - 14:29 | |
| A nouveau un mois de mai. Les blé sont verts ici en France. En Palestine déjà les épis sont sortis. En mai 1948, les paysans Palestiniens n'auront pas le temps de faire la moisson qui s'annonce. Ils seront expulsés.
Nous nous devons d'être solidaire des Palestiniens.
Pourquoi? - car leur expulsion est une injustice. - car, pour se maintenir Israel essaye de réduire les Etats arabes en des bantoustans facilement contrôlables (voyez e Soudan). | |
| | | Rebell banni
Messages : 7649 Date d'inscription : 21/09/2012
| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Jeu 9 Mai - 15:12 | |
| - Zoubir8 a écrit:
- A nouveau un mois de mai. Les blé sont verts ici en France. En Palestine déjà les épis sont sortis.
En mai 1948, les paysans Palestiniens n'auront pas le temps de faire la moisson qui s'annonce. Ils seront expulsés.
Nous nous devons d'être solidaire des Palestiniens.
Pourquoi? - car leur expulsion est une injustice. - car, pour se maintenir Israel essaye de réduire les Etats arabes en des bantoustans facilement contrôlables (voyez e Soudan). +1 zoubir8 je dirait aussi kan doit être solidaire car nous avons vécus une guerre injuste et que c un devoir en tant que musulman le soudan du sud n'est pas le seul j'avais même entendu la même chose pour la Libye mais comme il sont pas nombreux c contrôlable.. la Syrie aussi il veulent en faire de petit état comme sa elle pourra plus résiste a Israël (et nous les algerien on echappe pas a la regle)toute et bon pour nous déstabiliser et diviser notre pays il faut soutenir la Palestine coute que coute et aussi nos allier avec nos frère chiite que beaucoup font leur jeu des sioniste wahabits et montre les chiite comme ennemie on a le même combat diviser on et faible | |
| | | Zoubir8 Commandant
Messages : 1597 Date d'inscription : 11/04/2012 Localisation : Paris
| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Jeu 9 Mai - 16:52 | |
| Oui, soutenir la Palestine et apprendre à nos jeunes l'histoire. Comment en 1948 les Palestiniens ont été chassés de leur foyer. | |
| | | Rebell banni
Messages : 7649 Date d'inscription : 21/09/2012
| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Jeu 9 Mai - 17:12 | |
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| | | Zoubir8 Commandant
Messages : 1597 Date d'inscription : 11/04/2012 Localisation : Paris
| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Mar 14 Mai - 22:58 | |
| La Nakba : 65 ans de mystifications, mais la vérité finit toujours pas éclaterComme la fameuse "terre sans peuple pour un peuple sans terre", la légende sioniste consistant à dire "ils ont pris la fuite", en parlant des centaines de milliers de Palestiniens chassés de leurs terres en 1948, a sérieusement pris du plomb dans l’aile, 65 ans après ce qui est désormais désigné par le terme "nakba" qui signifie "catastrophe". Avant de nous montrer ces images, on nous a longtemps caché celles-ci : Qui correspondent aux massacres perpétués par des milices juives dans des villages palestiniens comme celui de Deir Yassine, près de Jérusalem, le 9 avril 1948, où hommes, femmes et enfants ont été assassinés, violés, et certaines femmes enceintes éventrées, afin de mieux terroriser la Palestiniens et les obliger à fuir. L’histoire officielle d’Israël a reposé, depuis 1948, sur le mensonge consistant à dire que les 800.000 Palestiniens qui ont pris le chemin de l’exil et sont devenus des réfugiés seraient partis volontairement, à la demande des Etats arabes environnants. En réalité, l’expulsion, par tous les moyens, du maximum d’habitants non juifs de la Palestine, et la conquête du maximum de leurs territoires, fut un objectif constant du sionisme, aussi ancien que l’idée même, exprimée pour la première fois à la fin du XIXème siècle, de création d’un Etat juif en Palestine. « Les Arabes doivent partir, mais nous avons besoin d’un moment favorable pour que cela arrive, par exemple une guerre », écrivait en 1937, dans une lettre à l’un de ses fils, le chef de file du mouvement sioniste et futur fondateur de l’Etat d’Israël, David Ben Gourion. Avec la fin annoncée, à partir de 1947, de la présence britannique, les dirigeants sionistes constatent que le rapport de forces, diplomatique et éventuellement militaire, leur est désormais favorable. Le 10 mars 1948, une dizaine de responsables réunis par David Ben Gourion approuvent les derniers détails de leur « plan D ». Il comporte la description de tous les villages de Palestine, avec des détails sur la manière d’attaquer militairement chacun d’entre eux, d’en chasser les habitants, et même d’exécuter sommairement des centaines d’hommes, considérés comme « suspects », dont des listes nominatives ont été soigneusement dressées. Le « plan D » est ensuite distribué, pour application immédiate, aux officiers des 12 brigades de la Haganah, l’armée juive, qui connaît à ce moment un développement fulgurant, tant en effectifs qu’en équipement moderne. De la mi-mars au 15 mai 1948 — date programmée du départ du dernier soldat britannique de Palestine — se déroule alors, non pas comme le rabâche l’histoire officielle, la « première guerre israélo-arabe », mais la vaste opération de nettoyage ethnique lancée par une Haganah forte de 90.000 hommes, auxquels la résistance palestinienne ne saura opposer que quelques milliers de miliciens villageois à l’armement dérisoire. Dès la fin du mois de mars, au moins trente villages arabes ont été rayés de la carte, selon le schéma : encerclement de la localité, rassemblement de la population, ordre donné de fuir, mise à l’écart des « suspects » et leur exécution immédiate. Après une phase de pillages et de violences diverses, suit la destruction de toutes les maisons jugées impropres à un habitat juif, voire du village entier, sur les ruines duquel seront édifiés des kibboutz et autres colonies juives. Destruction des livres palestiniens pendant la nakbaUn des épisodes les plus sanglants de la période est resté dans les annales : le massacre des villageois de Deir Yassin, près de Jérusalem, le 9 avril 1948. Les dirigeants de l’Etat juif ont longtemps mis cette exaction sur le compte de la milice dite « extrémiste » de l’Irgoun, et ont juré leurs grands dieux que jamais la Haganah n’aurait pu tuer délibérément des femmes et des enfants. Faux ! Non seulement parce qu’il y a eu beaucoup d’autres villages martyrs, où la Haganah a opéré en solo, mais parce que la Haganah a bel et bien participé elle-même à la tuerie de Deir Yassin. Après les villages, les villes : successivement, les principales villes palestiniennes sont attaquées, à Jaffa, Nazareth, Tibériade, à Acre et à Haïfa, dont les habitants arabes sont contraints par milliers de fuir par la mer. Parmi les épisodes les plus spectaculaires de cette phase de la tragédie palestinienne, on peut citer les « exploits » de deux jeunes officiers israéliens promis à de brillantes carrières, Moshe Dayan et un certain Yitzakh Rabin, qui ordonnent l’expulsion des 70.000 habitants des villes arabes de Lydda (Lod) et Ramleh. L’exode des Palestiniens, jetés sur les routes sans vivres, sans eau et sous un soleil de plomb, se transforme en marche de la mort pour des centaines d’enfants et de vieillards. Lorsque s’achève cette première phase, au cours de laquelle les armées des pays arabes avoisinants ne sont pas encore intervenues, plus de 10.000 Palestiniens, dont une large majorité de civils désarmés, ont été tués par les forces sionistes, et 300.000 au moins ont été chassés. Les dirigeants des Etats arabes, pas plus que les dirigeants sionistes, ne souhaitent l’établissement d’un Etat arabe indépendant en Palestine. C’est pourquoi, lorsqu’ils interviennent en Palestine après le 15 mai, il s’agit principalement pour eux, de faire acte de présence pour apaiser l’émotion de leurs propres opinions publiques émues par la tragédie de leurs frères palestiniens, et ils n’envoient que des contingents réduits, inférieurs numériquement et en armement à la puissance israélienne. Finalement, les combats avec les armées arabes, interrompus à plusieurs reprises sur injonction des Nations et Unies, où chaque grande puissance (Grande-Bretagne, Etats-Unis, Union Soviétique principalement) n’a pas encore clairement déterminé qui pouvaient être ses alliés ou vassaux régionaux, feront un seul perdant incontestable, la population palestinienne. Ils permettront au roi de Jordanie de s’emparer de la Cisjordanie et de la moitié de Jérusalem, à l’Egypte d’occuper la minuscule bande de Gaza encombrée de centaines de milliers de réfugiés palestiniens* chassés par le nouvel Etat juif, et à celui-ci de s’agrandir au point d’occuper 78% du pays. Au plan territorial, cette situation restera dans l’ensemble figée jusqu’en 1967. * Voir à ce propos l’excellent film de Chris den Hond : "Réfugiés palestiniens : ça suffit, on rentre".
Un reportage dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban. Durée 27 min.
Le résumé en 3 min. : https://youtu.be/YOVmvJ73ZlI Le film en 27 min. : https://youtu.be/Y-MJSzwz0I0
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| | | rimonidz Admin
Messages : 3054 Date d'inscription : 09/02/2012
| | | | rimonidz Admin
Messages : 3054 Date d'inscription : 09/02/2012
| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. Mer 15 Mai - 16:16 | |
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| Sujet: Re: L'expulsion des Palestiniens en mai 1948. | |
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