Nucléaire iranien : un arsenal de pointe américain promis à IsraëlLE MONDE
| 23.04.2013 Par Laurent ZecchiniJérusalem, correspondant
Si ce n'est pas un feu vert implicite donné à Israël pour se lancer dans l'aventure de frappes militaires contre les sites nucléaires iraniens, cela y ressemble fort... Mais, consciente de ce risque, l'administration américaine a beaucoup insisté pour que sa décision de fournir des armements sophistiqués à l'Etat juif ne soit pas interprétée comme un accord tacite à une accélération de la planification d'une attaque de l'Iran. En arrivant à Jérusalem, dimanche 21 avril, le secrétaire américain à la défense, Chuck Hagel, a reconnu que ce contrat de vente d'armes américaines à Israël était un
"signal très clair pour l'Iran". Israël
"prendra la décision qu'il doit prendre pour se protéger et se défendre lui-même", a-t-il ajouté. La tournée régionale de M. Hagel – après Israël, il se rend en Jordanie, en Arabie saoudite et dans les Emirats arabes unis – est clairement placée sous le signe des menaces iranienne et syrienne.
Les commandes ayant reçu l'imprimatur de la Maison Blanche concernent des capacités militaires stratégiques au profit d'Israël,
mais aussi de l'Arabie saoudite et des Emirats, trois Etats menacés à des degrés divers par les projets iraniens. Leur montant total
s'élèverait à 10 milliards de dollars (7,67 milliards d'euros), dont près de la moitié consacrée à l'achat par les Emirats de vingt-cinq
avions de chasse F-16, un marché incluant la formation de pilotes émiratis aux Etats-Unis.
Alors que Riyad (qui avait déjà bénéficié d'un faramineux contrat d'armement de plus de 29 milliards de dollars en 2010) pourra notamment acquérir des missiles sophistiqués, le type d'armes fournies à Israël est particulièrement significatif, puisqu'il comprend, selon M. Hagel,
"des missiles antiradiation et des radars perfectionnés pour les chasseurs, des avions de ravitaillement en vol KC-135 et surtout des appareils de transport V-22 Osprey, que les Etats-Unis n'ont fourni à aucun autre
pays".
LA QUESTION DU RAVITAILLEMENT EN VOL DES CHASSEURS ISRAÉLIENSCela fait plusieurs années qu'Israël réclamait en vain de pouvoir acheter des KC-135 – le président américain George Bush s'y était opposé en 2008 – afin de renouveler sa flotte vieillissante de Boeing 707 modifiés en avions ravitailleurs. La question du ravitaillement en vol des chasseurs bombardiers israéliens F-15 et F-16, qui auraient pour éventuelle mission d'aller détruire des sites iraniens, est l'un des principaux défis que doit relever Israël, même si l'option aérienne n'est pas la seule.
De même, en acceptant de livrer des avions hybrides V-22 à Israël – l'Osprey, à la fois avion de transport et hélicoptère, est un appareil adapté aux opérations spéciales lointaines, comme celles menées par les Etats-Unis en Irak, en Afghanistan et en Libye –, Washington manifeste sa volonté, comme l'a souligné Chuck Hagel, de fournir à l'Etat juif
"tout le soutien qui lui sera nécessaire pour maintenir sa supériorité militaire et aérienne face à tout Etat, coalition d'Etats ou acteurs non étatiques".
Il n'en demeure pas moins que, comme le souligne le
New York Times, Washington n'a toujours pas accepté de fournir à Israël les bombes ultrapuissantes GBU-57 AB, seules capables de détruire les installations profondément enfouies de l'usine d'enrichissement nucléaire iranienne de Fordow, située près de la ville sainte de Qom.
Ces décisions, a souligné le secrétaire américain à la défense, montrent que la coopération militaire entre les Etats-Unis et Israël
"est plus forte que jamais et qu'elle n'ira qu'en se renforçant à l'avenir". Washington a donné récemment des gages dans ce sens en annonçant une aide de 220 millions de dollars pour financer une sixième batterie du système antimissile Iron Dome, qu'Israël
déploie sur son territoire en fonction de l'évolution des menaces provenant de Gaza, de la région du Golan (frontalière avec la Syrie) ou de sa frontière nord, face au Hezbollah libanais.
L'OPTION MILITAIRE CONTRE L'IRAN DOIT ÊTRE LE "RECOURS ULTIME"L'Etat juif souhaite, d'autre part, obtenir des Etats-Unis la vente de carburant (notamment pour son aviation) pour un montant de 2,67 milliards de dollars. M. Hagel a soufflé alternativement le chaud et le froid au cours de sa visite à Jérusalem, soulignant que l'option militaire contre l'Iran devait être le
"recours ultime", tout en reconnaissant que c'est à Israël de décider, en tant qu
"nation souveraine", s'il doit ou non se lancer dans une offensive contre Téhéran. Bon prince, le ministre de la défense israélien, Moshé Yaalon, a indiqué que son pays ferait preuve de
"patience" avant de s'y résoudre.
Cet engagement ne veut pas dire grand-chose, dans la mesure où les responsables israéliens maintiennent à dessein l'ambiguïté sur leurs intentions. Lors de la visite du président Barack Obama à Jérusalem, le 20 mars, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, s'était montré conciliant, c'est-à-dire prêt à accepter le calendrier des Etats-Unis, pour qui Téhéran n'aura pas franchi de
"ligne rouge" nucléaire avant environ un an.
Le chef d'état-major de l'armée israélienne, le général Benny Gantz, a cependant souligné, il y a quelques jours, qu'Israël avait la capacité militaire d'attaquer seul les installations nucléaires iraniennes. De ce point de vue, l'adoption, le 15 mars, par la commission des affaires étrangères du Sénat américain, d'une résolution prévoyant un soutien militaire et diplomatique automatique des Etats-Unis, au cas où Israël, par
"légitime défense", se sentira
"obligé" d'engager une action militaire contre l'Iran, a été accueillie avec satisfaction à Jérusalem.