Syrie : Un massacre nommé « Adra »
Par Nahed Hattar
samedi 21 décembre 2013, par Comité Valmy
En regrettant de devoir montrer ce type d’image |
Syrie : Un massacre nommé « Adra ». Par Nahed HattarLe temps d’atteindre l’autre rive
Le temps de rire aux assassins
Le temps de courir vers la femme
Il avait eu le temps de vivre.
L’Évadé de Boris
Vian, [NdT].
Il est Syrien. Il s’appelle Nizar Hassan Mahlan. Il était ingénieur et travaillait dans l’une des centaines d’installations industrielles de la petite ville ouvrière d’Adra. Il vivait dans un HLM avec son épouse Mayssoun et leurs quatre enfants. J’aurais aimé que ceux qui nous ont raconté leur héroïsme nous aient donné leurs prénoms pour qu’ils restent, à jamais, gravés dans nos cœurs.
Face à l’irruption dans leur modeste appartement d’une quinzaine de monstres wahhabites affiliés aux Services de renseignement saoudiens, les époux ont décidé d’un commun accord de quitter la vie avec leurs enfants... Un acte de la dignité humaine confrontée à la barbarie et qui, normalement, devrait interpeller la conscience universelle !
Pour ces époux, nul besoin de deviner un scénario désormais inévitable et répétitif en Syrie. Porte d’entrée fracassée, armes blanches ruisselantes de sang, instincts meurtriers débridés... Ce qu’ils allaient subir était prévisible à quelques détails près : Nizar sera-t-il décapité, pour l’unique raison qu’il est « Alaouite », avant ou après que son épouse ne soit violée ?
Nizar savait fort bien ce que lui et sa famille risquaient au cas où ils tomberaient entre les mains de ces assassins envoyés par la famille Al-Saoud pour « purifier » Damas, et ses banlieues, des Alaouites, des Druzes et des Chrétiens. Il était déterminé à ne pas courir ce risque et avait pensé à conserver quatre grenades récupérées sur le cadavre d’un soldat syrien martyrisé. Il ne lui restait qu’à les dégoupiller.
L’explosion les a tous emportés, lui, son épouse, ses quatre enfants, et huit de ces monstres assoiffés de leur sang ! Il est parti, en un bref instant, avec courage et la tête haute. En se donnant la mort, il a sanctifié la vie. Sa vie et celle de sa famille bien-aimée, qui n’aura pas eu à céder une seule seconde aux menaces des poignards wahhabites. Autrement, quel sens aurait-il encore pu donner à sa vie envahie par ces monstres d’apparence humaine, mais dépourvus de toute humanité ? Ces monstres qui se sont répandus dans la petite ville ouvrière et pacifique d’Adra pour remporter des « victoires » à coup de pillages, de viols, de destructions, d’incendies et de tueries sectaires !
Voilà l’une des histoires d’un massacre nommé « Adra » [1] [2], et il est temps de dire que le roi d’Arabie saoudite en porte la responsabilité ! Il est temps de dire que s’il restait en ce monde une once de conscience et un minimum de justice, lui et sa cohorte de princes, de cheikhs, et avec eux les souverains du Qatar, ainsi que les dirigeants de la Turquie seraient tous déférés devant la Cour Pénale Internationale pour être jugés sur ce massacre et des dizaines d’autres commis par les milices qu’ils financent et arment avant de les lâcher sur la Syrie ; y compris les horribles agressions aux armes chimiques considérées comme des crimes contre l’humanité !
Dans le cas contraire, le peuple syrien est parfaitement en droit de se rendre justice pour tous les préjudices subis : les milliers de morts, les pillages de toutes sortes de richesses, les destructions des infrastructures, les sabotages mettant en péril le pays...
Il est temps pour les médias syriens d’appeler les choses par leur nom, de répertorier les détails des « massacres » aussi horribles soient-ils, et d’abandonner le langage officiel empreint de retenues pour dire au monde, sans équivoques, la vérité odieuse telle qu’elle est. Cette vérité incontestable qui est que l’Arabie saoudite mène une guerre de nettoyage ethnique et de destruction massive en Syrie !
Certes, l’Armée nationale syrienne résiste et avance, mais aucune armée au monde ne pourrait protéger tous les Syriens à travers tout le pays dont certaines zones sont sous le contrôle de ces envahisseurs wahhabites appartenant aux réseaux d’Al-Qaïda. Dès à présent, la Syrie devrait lancer un SOS au monde entier, et nous devrions tous briser le discours dominant qui prétend qu’il s’agit d’un conflit entre une opposition et un régime, alors que la réalité est toute autre : « une guerre sectaire menée par l’Arabie Saoudite contre la Syrie » !
Il est temps que les opposants patriotes - qui ont gardé leur liberté de conscience - clarifient leurs positions sur la guerre d’extermination menée par l’Arabie saoudite contre leur pays, distinguent entre le Syrien et le traitre, et se rallient sans tarder à un front uni des patriotes contre la barbarie. En Syrie, il y’a belle lurette qu’il ne s’agit plus d’une question de réformes et de changements, ou d’une question de pouvoir et de ses prérogatives. Il s’agit bel et bien de faire échec à la barbarie !
Il est grand temps pour ceux qui sont encore doués de raison au Liban, en Jordanie, en Irak, en Palestine et dans tout le monde arabe, de tirer les conséquences de ce qui se passe en Syrie. Il est grand temps qu’ils cessent d’agir en fonction de leurs misérables calculs politiciens au quotidien, car les épées wahhabbites- salafistes- takfiristes sont sortis de leurs fourreaux, prêtes à menacer l’Humain sur cette terre syrienne et ailleurs. Ils ont commencé par les Alaouites, les Chrétiens, les Druzes, les Ismaélites, etc. Ils s’en prendront ensuite aux laïcs... puis aux sunnites qui ne partagent pas leur déviance... puis aux sunnites qui portent la cravate... puis à ceux qui se rasent la barbe... puis à ceux qui appartiennent à une autre brigade que la leur... puis à ceux qui contestent la légitimité de mutiler les cadavres... Le cercle infernal et sans fin de leurs massacres à l’arme blanche, de préférence !
Il est plus que temps que les dirigeants états-uniens et européens se libèrent, un tant soit peu, du carcan des intérêts serviles des entreprises multinationales et qu’ils réfléchissent sur les dangers qui guettent leurs pays et la civilisation toute entière depuis la libération de cette bête surarmée et riche de milliards de pétrodollars.
Une bête qui se révèle être mille fois plus féroce que le nazisme. Une bête wahhabite-salafiste-takfiriste-saoudienne-qaidiste ; laquelle, quelle que soit ses dissensions internes, est le nazisme du XXIème siècle. Un nazisme sans cervelle ! Le nazisme d’une décadence historique politique et culturelle lâché sur notre région, nourri et manipulé par l’impérialisme talmudique dans ses différentes versions : judéo-sioniste, judéo-chrétienne et maintenant, judéo-islamiste !
Il est temps de nous arrêter et de réfléchir au sens du message que nous a légué Nizar Hassan Mahlan, un ingénieur syrien !
Nahed Hattar 16/12/2013
Article traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source : Al-Akhbar
https://www.al-akhbar.com/node/197097
Mise en ligne CV : 18 décembre 2013
Note :
[1] En photos : Ils décapitent et accrochent les têtes dans les rues de la ville ouvrière d’ « Adra » ! 17 décembre 2013 / 18H 29.
http://www.elmarada.org/politics/important-news/35753
Traduction :
Les groupes takfiristes ont lancé une violente attaque sur les habitants de la ville ouvrière d’Adra située au nord est de Damas [à 20 Kms NdT]. Ils ont chassé les habitants de leurs logements après avoir tué et découpé, à l’arme blanche, des dizaines d’entre eux. Aux dernières nouvelles, le nombre de victimes décédées dépasserait la centaine...
Des rescapés racontent qu’environ 1500 individus armés de la « Jabhat al-Islamiya » [Le front islamiste dirigé par Zahrane Allouche] et de la « Jabhat al-Nousra », ainsi que des centaines d’individus qui s’étaient préalablement infiltrés à partir de régions voisines sous prétexte qu’ils avaient été forcés à se déplacer, se sont attaqués à la Gendarmerie nationale, à l’Hôpital municipal, à la boulangerie industrielle... Ils ont fusillé et ont poignardé des habitants et des fonctionnaires... Ils ont aussi décapité certains d’entre eux et ont accroché les têtes, bardées de coups de poignards, sur les poteaux de la Place du Commerce. Ces rescapés parlent d’un massacre qui aurait dépassé en horreur tous les précédents...
NB : La photo du massacre figurant sur cet article est sous-titrée de la mention : « Opération de décapitation des Alaouites et des descendants d’Ibn al-Alqami, dans la ville ouvrière d’Adra » et diffusée par DAECH [Acronyme de l’État Islamique en Irak et en Syrie]. Ce qui est d’une absolue supercherie puisque tous les Syriens, sans exceptions, sont et ont été ciblés ; les identités des victimes de cette petite ville d’Adra, publiées par les médias locaux, le prouvent. Dire que ces massacreurs ne visent que les Alaouites ou les Chiites n’a qu’un seul but : réussir enfin leur « guerre confessionnelle » en Syrie ! Et inutile de rappeler que pour ce massacre comme pour les précédents : aucune condamnation par les organismes internationaux qui persistent dans leurs mensonges, en toute connaissance de cause. L’ignorer est désormais du domaine de l’impossible. [NdT].
[2] Pour encore plus de détails : ‘Slaughtered like sheep’ : Eyewitnesses recount massacre in Adra, Syria
http://rt.com/news/adra-syria-massacre-witnesses-355/
Extrait :
“Civilians told us that the workers of an Adra bakery were all executed and burned during the first hours of the attack. Whole families were massacred. We do not have an exact estimation of the number because we are unable to get into the town, but the number is high,” Kinda Shimat, Syria’s Social Affairs Minister, told RT.
Details of the executions are trickling out of the town as eyewitnesses tell their stories.
“They killed everyone at the Adra Ummalia police station,” another fugitive from the town told RT. “And they killed everyone at the Adra Ummalia hospital where my sister works. She stayed alive only because she didn’t show up for work that day. There are about 200 people at the police station. They are civilians. The militants are hiding among them, using them as a shield to prevent the Army from bombing the police.”
Monsieur Nahed Hattar est un écrivain et journaliste jordanien résidant à Amman.