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Pour la 6e année consécutive, le Forum sur la sécurité internationale d’Halifax (Canada), organisé par Peter Van Praagh, en collaboration avec le ministère canadien de la Défense, a réuni cette année encore plus de 300 politiciens, militaires, experts de la sécurité, représentants d’ONG ou leaders d’opinion venant de plus de 60 pays différents. Un événement de deux jours et demi, parfaitement organisé, qui favorise les échanges dans un environnement transatlantique certes, mais bien au-delà de tous ceux qui partagent des valeurs, pour certaines mises à mal. Dans les propos introductifs, le cadre des réflexions était planté puisqu’il était question de favoriser une «alliance de modernité» et d’en rappeler quelques éléments constitutifs : la démocratie, la liberté de religion, l’égalité homme-femme et l’équité économique.

En identifiant l’Etat islamique, la Russie mais aussi la Chine comme étant des régimes conscients de ne chercher qu’à gagner du temps pour repousser leurs propres horloges démocratiques, les organisateurs souhaitaient indiquer que les valeurs occidentales continuaient à représenter un idéal de permanente émancipation. La forte délégation des membres du congrès américain (9), la présence de quatre ministres canadiens (Défense, Justice, Affaires étrangères et Santé publique), et de nombreux ministres ou secrétaires d’Etat de la Défense notamment, ou encore la présence de l’ancien Président de la Turquie, Abdullah Gul, et une grande diversité de représentations permettaient de saisir les différents angles de l’évolution du système international.

Les sessions abordaient cependant bien les préoccupations américaines actuelles comme «La forteresse Nord-américaine : est-elle vraiment glorieuse ? Vraiment libre ?», «Est-il possible de triompher ? Les lois et le non-droit des guerres asymétriques», «Qui contrôle la carte ? Des innocents perdus, des criminels résistants, des terroristes dépravés, «Le rôle indispensable de la superpuissance exceptionnelle», «L’Afrique entre croissance économique et crises stratégiques » ou encore « les nouveaux propagandistes : le combat pour la narration».

Sans résumer des dizaines d’heures de débats et d’échanges, on retiendra deux moments de grande tenue intellectuelle. Le premier, lorsque le sénateur John McCain a critiqué sans demi-mesure le Président Barack Obama pour son absence de leadership, estimant que depuis sa volte-face en Syrie, à la suite de cette erreur d’avoir parlé «de ligne rouge», les partenaires des Etats Unis au Proche-Orient ne leur faisaient plus confiance. Et que les alliés européens ne font pas leur travail, notamment en se libérant de la dépendance énergétique russe, alors qu’au même moment les Etats-Unis éliminaient la leur vis-à-vis du Moyen-Orient, ce qui aurait de notables conséquences sur le moyen terme et tout en rappelant le bien-fondé de l’intervention en Libye, regrettait que l’on s’en soit détourné provoquant une «terrible tragédie». Face à lui, le sénateur démocrate Tim Kaine proposait une analyse nuancée de la Présidence Obama. A la notion de «puissance exceptionnelle», il préfère celle de «nation exemplaire» et assume, à la différence de son interlocuteur républicain, que «le changement de régime dans un autre pays n’est pas un objectif politique de la politique étrangère américaine».

La démission de Chuck Hagel, dont la visite à Halifax était initialement annoncée, donnait cependant un relief tout particulier au discours du général John Allen, représentant du Président américain pour la coalition globale contre l’Etat islamique. Le Général John Allen doit en effet coordonner la coalition d’une soixantaine de pays qui se met en place pour lutter contre Daech. Il a confirmé qu’une première réunion au niveau ministériel se tiendrait à Bruxelles en décembre, réunissant les pays de l’Otan et tous les pays de la coalition. Cette consultation politique pour chercher à forger une vision commune devrait se faire assez régulièrement dorénavant. Tout en soulignant la complexité de la situation, et l’interdépendance de toutes les questions, le général Allen ne s’est pas prononcé pour un changement de régime en Syrie, appelant à la plus grande prudence, et rappelant que les récentes expériences américaines avaient créé bien des «challenges». Quant à une intervention terrestre, elle n’est pas pensable, même si des plans sont envisagés. Tenant à lier les situations irakienne et syrienne, le général Allen reconnaissait qu’il faudrait rechercher une solution diplomatique, et que des acteurs comme la Russie et l’Iran ne pouvaient être laissés hors-négociation. Reconnaissant dès lors implicitement la faible marge de manœuvre, puisque il faut considérer les autres négociations en cours avec ces pays. La démission de Chuck Hagel et son renoncement à participer au Forum d’Halifax témoigne que cette ligne très diplomatique a le soutien de la Maison-Blanche.