En
pleine crise syrienne, et alors que les États-Unis et l'UE ne cessent
de fustiger le régime de Damas comme violant outrageusement les droits
de l'homme, la décision du tribunal du Bahreïn contre Nabil Rajab tombe
évidemment très mal. Car ce verdict attire
soudain l'attention du monde entier sur le fait que les monarchies du
Golfe - à commencer par le Royaume d'Arabie saoudite qui est une chasse
gardée américaine - sont tout sauf des démocraties. Et que les droits de
l'homme y sont depuis longtemps bien plus bafoués encore qu'ils ne le
sont dans la Syrie laïque.
Dans ce dernier pays, au moins, la liberté religieuse, la sûreté et le
"vouloir vivre ensemble" de chaque communauté religieuses sont très réels. Tandis que les
monarchies du Golfe, à des degrés divers, interdisent ou restreignent
drastiquement tout autre culte que l'islam sunnite sur leur propre sol.
Ce qui, soit dit en passant, viole expressément la Charte fondatrice
des Nations Unies auxquels ces États ont théoriquement souscrit.
Du
reste, le double jeu des Américains n'a pas échappé aux manifestants du
Bahreïn. Nabil Rajab a précisément attaqué les autorités de Washington
sur ce terrain lors d'un entretien donné à Al Jazeera le 26 Juillet
2011.
Évoquant la répression féroce des manifestations survenues depuis février, l'opposant a déclaré notamment :
«
Le silence des États-Unis a déçu beaucoup de personnes. Il est très
clair maintenant que les États-Unis n'exigent la démocratie et le
respect des droits de l'homme que dans les pays avec lesquels ils ont
des problèmes ; mais qu'ils ne l'exigent pas du tout dans les dictatures
avec lesquelles ils ont d'excellentes relations.» Le 21 décembre dernier, Nabil Rajab a réitéré ses critiques dans un entretien avec le National Post :
«
Le gouvernement des États-Unis est la sauvegarde des familles royales
dans cette partie du monde. Ils soutiennent les dictateurs. Les
États-Unis sont très durs sur la Syrie et sur la Libye, mais, quand ils
regardent leurs alliés, ils sont très souples. »[source : http://en.wikipedia.org/wiki/Nabeel_Rajab ]
Des
manifestants brûlent le drapeau américain pendant l'une des émeutes qui
ont émaillé la vie politique du Bahreïn depuis un an et demi.
---------------------------------------------------------------------L'HYPOCRISIE DES ÉTATS-UNIS ET DE L'UE FACE AU CAS RAJAB--------------------------------------------------------------------- Interrogée
par la presse dans les instants ayant suivi l'annonce de la lourde
condamnation à 3 ans de prison de Nabil Rajab pour participation à une
manifestation interdite, la porte-parole de la diplomatie américaine
Victoria Nuland a assuré que les États-Unis sont
« profondément troublés » par ce verdict, et qu'ils
«
appellent le gouvernement du Bahreïn à prendre des mesures pour
redonner confiance aux citoyens à travers le pays et à démarrer un
véritable dialogue avec les partis d'opposition et la société civile ».On
reste fasciné par l'hypocrisie de cette réaction, et par la différence
de traitement avec les réactions américaines sur la Syrie au même
moment. C'en serait comique si les sujets n'étaient pas aussi
dramatiques.
-----
Naturellement, le perroquet bruxellois s'est aussitôt fait la voix de son maître. La porte-parole du Département d'État américain s'étant déclarée
« profondément troublée »,
sa préposée à la tête de la prétendue "diplomatie de l'Union
européenne" - la baronne travailliste Lady Catherine Ashton of Upholland
- s'est aussitôt déclarée
« préoccupée ».
Remarquons que l'on aurait pu avoir l'inverse : si le Département d'État américain s'était déclaré
« préoccupé », nul doute que la "diplomatie européenne" se serait aussitôt déclarée
« profondément troublée ».
4 décembre 2009 : les deux responsables en chef de la diplomatie euro-atlantiste se rencontrent au quartier général de l'OTAN à Bruxelles. La posture et le type de présence de chacune des deux femmes fait ressortir, de façon presque gênante, qui commande à qui :
- À droite, Mme Hillary Clinton, Secrétaire d'État américaine. Avec son manteau rouge vif de grand couturier, sa permanente et ses mèches soigneusement colorées, son sourire carnassier et son regard assuré et triomphant, Mme Clinton est clairement la patronne.
- À
gauche la baronne Ashton of Upholland, "Haute Représentante de l'Union
européenne pour pour les affaires étrangères et la politique de
sécurité" . Avec son vêtement clownesque, sa coiffure "maison" comme si elle sortait de la douche, sa tête légèrement baissée et rentrée dans son quintuple menton, et son air de chien battu, la baronne Ashton est clairement la subordonnée.
Mme Ashton a en outre formé le vœu que le verdict sera
«
revu en appel et que cela s'applique aussi à tous les citoyens [sic ]
du Bahreïn jugés pour des faits liés à l'exercice de leurs libertés
fondamentales ». Notons au passage que Lady
Ashton of Upholland ne connait visiblement pas la différence qui existe
entre un « citoyen » ( = le détenteur d'une parcelle de pouvoir dans un
État fondé sur la souveraineté nationale ) et un « sujet » ( = le
fidèle serviteur obéissant à un monarque dans un État fondé sur la
souveraineté de droit divin ). Notre très ignorante baronne britannique,
qui est elle-même
« sujette de Sa Gracieuse Majesté », ne semble donc pas avoir compris que le roi du Bahreïn ne reconnaît justement pas l'existence de
« citoyens du Bahreïn », mais seulement de
« sujets ». Et que c'est bien là tout le problème.
Un salaire de 35.000 euros par mois pour une baronne travailliste de pacotille, incompétente et ultra-atlantiste
: il est difficile de trouver une figure plus caricaturale de
l'eurocrate incompétent et profiteur que Lady Catherine Ashton of
Upholland.
Née très banalement dans
une famille roturière, les Ashton, vivant à Upholland (Lancashire) en
1956, la jeune Catherine fit des études de sociologie et commença
modestement sa vie en travaillant pour une association en faveur du
désarmement nucléaire.
Elle n'a dû son ascension
qu'à son implication dans le Parti Travailliste et à la faveur
d'Anthony Blair. Celui qui était Premier ministre avait sans doute
remarqué que la brave Catherine faisait sans broncher ce qu'on lui
demandait de faire. Il fit donc anoblir cette bonne pâte et la nommer
"Pair à vie" à la Chambre des Lords en tant que « baronne Ashton of
Upholland » en 1999, dans le seul objectif d’y renforcer la majorité à
la chambre des Lords pour obtenir la ratification du traité
d'Amsterdam...
Le 3 octobre
2008, le gouvernement britannique la nomma en remplacement de Peter
Mandelson au poste de Commissaire européen en charge du sujet-clé des
négociations commerciales multilatérales. Ce qui fit scandale dans le
Landerneau bruxellois, tant il apparut qu'elle ne connaissait
strictement rien de rien à ce sujet extrêmement technique et profus.
Maintenue
par Londres au poste de Commissaire européen dans la Commission Barroso
II (en 2009), elle fut choisie par celui-ci comme 1ère représentante de
l'Union européenne pour les affaires étrangères, poste nouveau créé
par le traité de Lisbonne. Sans doute le président de la Commission,
José Manuel Barroso, homme complètement inféodé aux intérêts américains,
a-t-il senti comme Anthony Blair que Lady Ashton était malléable à
souhait et qu'elle ne ferait pas de difficultés pour s'aligner
consciencieusement sur les directives de Washington.
Quoi
qu'il en soit, cette nomination à ce poste prestigieux fit encore plus
scandale que la précédente. Et les remous provoqués se firent entendre
au sein même du parlement européen. Le 25 novembre 2009 à Strasbourg, le député Nigel Farage dénonça le fait que la baronne n'avait jamais été élue démocratiquement.
Totalement
ignare en matière diplomatique, géopolitique et militaire, ne parlant
pas d'autre langue que l'anglais, la baronne travailliste a passé une
"audition" mouvementée le 11 janvier 2010 devant le Parlement européen.
Elle y révéla notamment une incompétence rare sur la question de la
politique européenne de Défense.
Selon
le Sunday Times du 14 mars 2012, Lady Catherine Ashton of Upholland
perçoit un salaire de 328 000 £ par an, soit environ 418.000 euros par
an (environ 35.000 euros par mois), ce qui fait d'elle la politicienne
la mieux payée au monde.
Comme elle est en
outre mariée à Mariée à Peter Kellner, président de l'institut de
sondage britannique dénommé YouGov, et que le couple vit donc dans le
luxe, on se demande ce qu'elle fait de son argent. Car son inélégance
vestimentaire et son allure constamment négligée constituent la "cerise
sur le gâteau" de cette baronne pour rire, incompétente et grassement
payée.
---------------------------------LE CYNISME DU ROYAUME-UNI--------------------------------- Quant au Royaume-Uni - ancienne puissance coloniale au Bahreïn - il a bien entendu surenchéri dans le même registre hypocrite.
Le ministère britannique des Affaires étrangères a souligné que
« la liberté d'expression et le droit de manifester pacifiquement sont une partie fondamentale de toute démocratie moderne ». C'est
une déclaration spécialement cynique au moment où ce même ministère
envisage de violer la vénérable Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques, en menaçant de livrer l'assaut contre l'ambassade
d'Équateur à Londres, où s'est réfugié le fondateur de WikiLeaks Julian
Assange, qui a demandé et obtenu l'asile politique. Soulignons
au passage que l'un des motifs pour lesquels le gouvernement de Quito a
accordé l'asile politique, c'est qu'il estime qu'il y a un risque
sérieux que si l'Australien Julian Assange sort de son ambassade, les
Britanniques ne l'expédient aussitôt aux États-Unis, où il risque rien
moins que la peine de mort pour divulgation de secrets d'État.
[ source : http://www.romandie.com/news/n/WikiLeaks_asile_politique_accorde_a_Assange___menace_d_un_assaut12160820121802.asp ]
Pour
en revenir au Bahreïn, le gouvernement britannique a assorti sa
déclaration de principe démocratique d'un bémol qui en ruine aussitôt la
portée pour ce qui concerne la monarchie des Al-Khalifa.
Le Foreign Office a en effet «
demandé aux militants de l'opposition de s'assurer que leurs paroles et
leurs actes ne constituent pas une incitation à la violence ». On
goûtera en connaisseur la différence entre cette déclaration
cauteleuse, qui jette suavement le doute et l'opprobre sur les
manifestants, et les déclarations incendiaires et guerrières que le même
Foreign Office utilise depuis un an et demi contre le régime syrien....
13 décembre 2011 : Le Premier ministre britannique, David Cameron, reçoit le roi du Bahreïn au 10 Downing Street
--------------------------------------------------------------LES PROMESSES MENSONGÈRES DE FRANÇOIS HOLLANDE-------------------------------------------------------------- Outre
que toutes ces déclarations lénifiantes des États-Unis, de l'UE, et du
Royaume-Uni, ne changeront rien pour l'intéressé ni pour les milliers
d'opposants incarcérés au Bahreïn, il est remarquable de constater
qu'elles sont comme un copié-collé saisissant des déclarations que la
Russie et la Chine ne cessent de faire au sujet de la situation en
Syrie.... à la plus grande indignation des États-Unis, de l'UE et du
Royaume-Uni !
Dans ce que mes lecteurs me pardonneront
d'appeler un "bal de faux-culs", le nouveau locataire de l'Élysée n'est
hélas pas en reste.
M. Hollande, qui se range, comme son
prédécesseur, aux avis de Bernard-Henri Lévy pour décider de la
stratégie de la France envers la Syrie, et qui n'a donc pas de
déclarations assez indignées et violentes contre le régime de Bachar
El-Assad, a au contraire les yeux de Chimène pour la monarchie du
Bahreïn.
Le 7 août 2012 - donc il y a 13 jours -
le
président de la République a ainsi reçu en grande pompes Sa Majesté
Hamad ben Issa Al Khalifa, roi autocrate ayant 4 femmes et 12 enfants,
et despote du Bahreïn qui proclame la loi martiale et fait tirer sur la
foule à la première manifestation venue. Cette
invitation est d'autant plus indécente que M. Hollande, il y a 3 mois à
peine, faisait précisément campagne pour l'élection présidentielle en
annonçant qu'avec lui, les dictateurs allaient trembler.....
Trois mois et 9 jours seulement séparent ces deux photos :
- À gauche : 29 avril 2012
: lors d'un grand meeting au Palais Omnisports de Bercy pendant la
campagne présidentielle, François Hollande lance devant une foule
enthousiaste : « Je veux que le 6 mai [ date du second tour de la présidentielle ] soit
une bonne nouvelle pour les démocrates et une terrible nouvelle pour
les dictateurs. Voilà ce que nous avons à apporter, y compris dans cette
élection présidentielle ! »
- À droite : 7 août 2012
: François Hollande, élu président de la République, reçoit
chaleureusement le roi du Bahreïn à l'Élysée, qui se livre dans son pays
à une répression féroce.
Pour
bien réaliser l'ampleur de la manipulation dont furent victimes les
électeurs de M. Hollande, il est de salubrité intellectuelle de
revisionner ce passage de haute propagande. Un groupe d'internautes
l'ont fait et j'y renvoie volontiers car c'est bref et cela vaut
vraiment le coup d'œil :
https://www.dailymotion.com/video/xssgdz_hollande-l-ami-du-dictateur-hamed-ben-issa-al-khalifa-souverain-du-bahrein_news
.
Sur ce sujet comme sur à peu près tous les autres, les
électeurs de François Hollande n'ont donc plus qu'à aller se faire cuire
un œuf. Comme nous n'avions cessé de mettre en garde, il apparaît
désormais clairement que le slogan de campagne du candidat "socialiste" -
« LE CHANGEMENT C'EST MAINTENANT » - n'était bien qu'une sinistre
farce.
----
Que l'invitation du dictateur
bahreïni à l'Élysée le 7 août 2012 ait été suivie de l'annonce, le 16
août, de la condamnation féroce du principal représentant de
l'opposition au Bahreïn à 3 ans de prison, voilà qui ne fait évidemment
pas très bon genre.
La France étant ainsi
ridiculisée, notre diplomatie a entonné à son tour les mêmes
gesticulations hypocrites que celles de Washington, Bruxelles et
Londres. Réagissant à la condamnation de Nabil Rajab, le ministère français des Affaires étrangères a donc piteusement « rappelé son attachement au principe de liberté d'expression », et a affirmé que la France « encourageait le dialogue permettant d'apaiser durablement les tensions au Bahreïn ». Bref,
notre diplomatie ne sort pas grandie de tout cela, et affiche à l'égard
du potentat du Bahreïn une mansuétude qui est refusée avec indignation
au président syrien. --------------------------------------------------QUI TIRE LES FICELLES : L'IRAN... OU OTPOR ? -------------------------------------------------- Que l'on me comprenne bien.
Je
ne reproche pas, dans l'absolu, à la diplomatie française de conserver
de la distance par rapport aux événements du Bahreïn et de se fixer
comme ligne de conduite de tenter seulement d'y apaiser les tensions.
J'estime que c'est au contraire ce qu'elle devrait y faire, au Bahreïn
comme en Syrie et ailleurs. Malgré toute la
sympathie spontanée que l'on peut éprouver pour Nabil Rajab et les
opposants à la monarchie dictatoriale du Bahreïn, il est prudent de ne
pas s'avancer sans connaître parfaitement les tenants et les
aboutissants de toutes ces manifestations, spontanées ou non. Car dans
ce genre de situation, des surprises ne sont jamais exclues.
Tout d'abord parce qu'il existe plusieurs lectures de la crise :
- selon
certains, cette crise découlerait de l'opposition confessionnelle
chiite / sunnite ; compte tenu du contexte géopolitique, cela
signifierait que l'Iran pourrait être à la manœuvre.
En
l'espèce, quel est exactement le jeu joué par les autorités de Téhéran
? On imagine sans difficultés que la théocratie iranienne peut avoir
avoir partie liée avec certains milieux chiites du Bahreïn, dans ce
petit État que l'Iran affirma d'ailleurs être sa possession et qu'il
revendiqua officiellement, de 1957 à 1970, comme étant sa 14ème
province.
[ http://en.wikipedia.org/wiki/Bahrain ]
La
possibilité de déstabiliser un État qui sert de quartier général à la
Ve Flotte américaine n'est certainement pas fait pour déplaire aux
stratèges de Téhéran.
- selon d'autres, cette crise ne serait pas une opposition chiite / sunnite mais une opposition plus classique : "droite / gauche" non confessionnelle.
Mais
on doit se demander alors comment il se fait que cette opposition
droite / gauche sorte soudain d'un chapeau et comment elle s'articule
avec l'opposition chiite / sunnite.
C'est ici qu'apparaît un élément plus inattendu.
Selon
des sources concordantes, un certain nombre de jeunes manifestants
seraient membres du "Mouvement des jeunes pour la Liberté du Bahreïn" ( حركة شباب من اجل الحرية في البحرين )
et auraient reçu une formation du groupe Otpor, comme certains "révolutionnaires" tunisiens ou égyptiens.[ source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Soul%C3%A8vement_bahre%C3%AFni_de_2011-2012 ]
Cela conduit à rappeler que le groupe Otpor, mot serbe qui s'écrit
"Отпор" en cyrillique et qui signifie « Résistance », est une organisation :
- qui joua un rôle majeur dans la chute du régime de Slobodan Milošević en ex-Yougoslavie
- et
qui est ensuite devenue un centre de formation pour de jeunes
révolutionnaires de différents pays, notamment en Géorgie, puis en
Ukraine, mais aussi en Biélorussie et dernièrement, en 2011, en Égypte.
[ source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Otpor ]
Or, le financement d'Otpor provient notamment : - de la "Freedom House",
qui est financée directement par... le gouvernement des États-Unis et
qui reçoit aussi des dons d'organisations caritatives ou de l'Union
européenne.
[ source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Freedom_House ]
- et de l'"Open Society Institute", la célèbre fondation créée par le célèbre milliardaire américain George Soros,
très lié à David Rockefeller, et dont les liens avec toute l'oligarchie
euro-atlantiste et les services secrets américains sont un secret de
Polichinelle.
Logo de Otpor
Le
logo de Otpor apparaît, de façon cryptée, sur les affiches du
"Mouvement des jeunes pour la Liberté du Bahreïn"appelant à une
manifestation. On notera que ces affiches sont en anglais. On notera
aussi, sur l'affiche de gauche, dans le macaron en bas à droite (peu
visible), la mention : "NO SHII NO SUNNI JUST BAHREÏNI" = "NI CHIITE NI
SUNNITE, SEULEMENT BAHREÏNI". Cette indication révèle que le mouvement
Otpor, soutenu par la CIA, veut détourner l'attention des manifestants
du sujet le plus gênant pour la présence américaine au Bahreïn :
l'animosité entre sunnites (minoritaires) et chiites (majoritaires et
sensibles aux analyses de Téhéran).
------------------------------------------------------------------------------------------------LA TACTIQUE MACHIAVÉLIQUE DES ÉTATS-UNIS : LE SOUTIEN DISCRET AUX OPPOSITIONS INOFFENSIVES POUR LEUR DOMINATION------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour
un esprit logique et droit, il paraît incompréhensible qu'une partie de
l'opposition au roi Hamad Al-Khalifa du Bahreïn soit soutenue, financée
et entraînée en sous-main par OTPOR, donc au bout du compte par la CIA.
Comment les États-Unis peuvent-ils avoir un allié décisif pour
leur stratégie dans le Golfe persique et contribuer à soutenir en
catimini des actions destinées à le renverser ? La
réponse à cet apparent mystère n'est pas si difficile à comprendre.
Sans doute les échecs cuisants de la diplomatie américaine au cours des
années 1970 ont-ils donné à réfléchir aux think-tanks de Washington. En
effet, les chutes des régimes qu'ils soutenaient à travers le monde,
notamment ceux du général Lon Nol au Cambodge ( 17 avril 1975 ), de
Nguyễn Văn Thiệu au Sud Vietnam ( 30 avril 1975 ) ou du shah Mohammed
Reza Pahlavi en Iran ( 16 janvier puis 1er avril 1979), se sont
traduites par l'éviction durable de toute influence américaine dans les
pays en question, au moins pour plusieurs décennies, sinon par
l'apparition d'un adversaire farouche ( le cas de l'Iran étant le plus
flagrant ).
Tous ces événements
ont donc fait prendre conscience des risques d'un soutien massif et
unilatéral à des pouvoirs discrédités dans la profondeur des
populations, sans envisager de solution de rechange.
En tirant les leçons de ces échecs, l'idée s'est donc fait jour de
neutraliser toute possibilité de révolutions réellement dangereuses pour
les États-Unis, en soutenant et finançant les oppositions aux régimes
en place, fussent-ils dans des régimes amis de Washington, quitte même à
y promouvoir des "révolutions". Et cela afin d'avoir deux fers au feu
et de préserver la positions américaine, quels que soient les
événements. L'idée de financer des oppositions
aux régimes en place n'était certes pas nouvelle puisque la CIA
notamment l'a fait depuis sa création, à la fin de la Seconde guerre
mondiale, dans les pays dont elle voulait abattre le régime ( Cuba ou
les pays de l'est par exemple) ou dans les pays alliés dont le dirigeant
déplaisait "souverainement" à la Maison-Blanche (Charles de Gaulle en
France par exemple).
Ce qui est
plus nouveau, c'est l'idée de prendre les devants et de déstabiliser
sciemment un régime et un dirigeant allié mais considéré comme fragile,
afin de neutraliser par avance les dégâts d'une révolution non
contrôlée. L'idée, très intelligente il faut le reconnaître, s'est donc fait jour de promouvoir de façon systématique des "révolutions clés en mains" par des associations œuvrant en faveur de la démocratie", soit dans des pays adversaires, soit même dans des pays amis. C'est ainsi que furent notamment créés :
- en 1983, le National Endowment for Democracy (NED) (en français, Fondation nationale pour la démocratie), "fondation privée à but non lucratif" des États-Unis dont l'objectif déclaré est « le renforcement et le progrès des institutions démocratiques à travers le monde »
, mais dont la plus grande part de ses fonds provient du département
d'État américain, avec approbation du Congrès. [
http://fr.wikipedia.org/wiki/National_Endowment_for_Democracy ]
- en 1993, l'Open Society Institute (OSI), "fondation" créée par le milliardaire George Soros dont l'objectif déclaré est de «
promouvoir la gouvernance démocratique, les droits de l'homme et des
réformes économiques, sociales et légales et de mettre en œuvre une
gamme d'initiatives visant à appuyer la primauté du droit, l'éducation,
la santé publique et l'indépendance des médias [ sic ] ».
Ces deux fondations, entre autres, ont été à la manœuvre dans la floraison de
« révolutions de couleur », toutes conçues selon le même type de scénario, qui ont commencé par balayer l'ex camp socialiste, avant de s'attaquer aux régimes en place dans le monde arabe :
- Révolution du 5 octobre en 2000 en ex-Yougoslavie conduisant à la chute de Slobodan Milošević (avec la création du mouvement Otpor).
- Révolution des roses en Géorgie en 2003, conduisirent à la chute d'Edouard Chevardnadzé (avec le soutien du "mouvement de résistance civique" Kmara).
- Révolution orange en Ukraine en 2004, (avec le soutien du "mouvement de résistance civique" Pora).
- Révolution des tulipes au Kirghizistan en 2005 (avec le soutien du "mouvement de résistance des jeunes" Kelkel).
- Tentative
de déstabilisation en Russie, lors des élections législatives de 2011
(avec le soutien de l'organisation Golos, fondée en 2000 et recevant des
fonds de George Soros via l'OSI, et de la NED). Cette tentative
explique la décision prise il y a quelques semaines par le président
russe Vladimir Poutine de promulguer une loi qui qualifie désormais d'"agents de l'étranger" les ONG percevant des fonds extérieurset
qui les soumet en conséquence à des contrôles officiels. Loi que la
presse occidentale a aussitôt qualifiée de "grave atteinte aux droits de
l'homme". [http://www.france24.com/fr/20120721-russie-vladimir-poutine-loi-ong-agents-etrangers-kremlin-droits-homme ]
- Révolution du jasmin en Tunisie (2010 - 2011) contre le régime pro-américain de Ben Ali.
- Révolution du papyrus en Égypte (2011) contre le régime pro-américain de Moubarak.
-----------------------------------------------------EN ROUTE VERS LA «
RÉVOLUTION DES PERLES »
?-----------------------------------------------------Le soutien du mouvement OTPOR au "Mouvement des jeunes pour la Liberté du Bahreïn" prouve que les É
tats-Unis ont décidé de se prémunir de tout désagrément en cas de chute du roi Hamad :
- -
en tentant de focaliser les manifestations sur la question
constitutionnelle et le clivage droite-gauche, et en ayant surtout pour
objectif de désamorcer le clivage sunnite / chiite que favorise l'Iran
en sous-main (cf. photo supra)
- - et en
proposant une solution "clé en mains". Washington a apparemment fait
son choix, qui consiste à pousser les manifestants à se focaliser contre
la personne de l'actuel roi et à promouvoir, à sa place et en douceur,
son fils le prince héritier. Lequel a déjà droit à toute la
bienveillante attention de l'administration Obama et de la presse
américaine qui s'est empressée de le qualifier de « libéral ».
Nul
doute que, si des troubles devaient de nouveau éclater, les
manifestants supervisés par la CIA-OTPOR orienteraient les
revendications des manifestants en faveur d'une démission du roi actuel
et de l'édiction d'une Constituante avec l'élévation au trône du prince
héritier.
Il ne resterait alors à trouver que le nom de la révolution. Je suggère, par exemple, la « Révolution des perles »,
en référence aux huitres perlières qui constituaient jadis la seule
richesse de cette côte désertique et brûlante qualifiée de « côte des pirates »... À
l'exemple de ce qui est en train de se passer sous nos yeux dans les
prétendues "révolutions" du "printemps arabe", le peuple de Bahreïn se
rendra compte, mais ensuite, qu'il ne s'est agi que d'une révolution
factice. Et que certaines puissances derrière le rideau ont fait
semblant de
« tout changer pour que rien ne change », pour paraphraser le Prince Salina dans le roman
Le Guépard de Lampedusa.
En
attendant, François Hollande a décidément bonne mine en recevant le roi
du Bahreïn : non seulement il salit l'image de la France, mais il
invite à l'Élysée un roi qui n'est plus guère persona grata à la Maison-Blanche, où l'on s'active au contraire à promouvoir le fils...
7
juin 2011 : Alors que cet entretien n'était pas prévu officiellement et
qu'il n'est pas parfaitement conforme aux usages protocolaires, le
président Obama reçoit à la Maison-Blanche le prince héritier du
Bahreïn. Le Wall Street Journal a présenté cette
rencontre comme inopinée, le président américain s'étant invité sans
prévenir dans une réunion entre le prince héritier et le conseiller de
la Maison-Blanche à la Sécurité Nationale Tom Donilon. La presse
américaine en a profité pour souligner que le prince hériter, qui est à
la tête des forces armées du Bahreïn, était réputé pour être un
"réformateur libéral" au sein de la famille royale.
9 mai 2012 : la Secrétaire d'État
Hillary Clinton reçoit d'un air décidé au département d'État le prince
Salman bin Hamad bin Isa Al-Khalifa. À l'évidence, Washington a fait son
choix.
-----------------------------------LE PRINCIPE DE NON-INGÉRENCE----------------------------------- Il
y a une autre raison, beaucoup plus fondamentale que la prudence à
avoir dans le cas d'espèce, pour ne pas prendre position sur la
situation intérieure au Bahreïn. C'est tout simplement le respect du
droit, et notamment du droit international. Respect auquel tous mes
lecteurs savent que j'attache le plus grand prix en toutes
circonstances, car l'histoire nous enseigne que le viol du droit va de
pair avec la régression de la démocratie et de la civilisation. Il
faut en effet être logique et conséquent : on ne peut pas vouloir faire
respecter le droit international, - et tout spécialement le principe de
non-ingérence dans les affaires intérieures d'un État souverain qui en
constitue la clé de voûte -, et prétendre par ailleurs intervenir dans
ces mêmes affaires intérieures dès lors qu'un mouvement politique
interne y suscite notre sympathie.
Extraits de l'Article 2 de la Charte des Nations-Unies :
Les
Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations
internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force,
soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de
tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des
Nations Unies.
Aucune disposition de la
présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des
affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un
État ni n'oblige les Membres à soumettre des affaires de ce
genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte;
toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des
mesures de coercition prévues au Chapitre VII.
Ceux
qui ont gravé dans le marbre de la Charte des Nations Unies ce principe
fondamental de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un État
souverain ne l'ont pas fait à la légère ni pour protéger telle ou telle
dictature. Ils l'ont fait pour une raison d'une
très grande force théorique et pratique : si l'on commence à admettre le
bien-fondé qu'un État, ou qu'un groupe d'États, prenne parti pour telle
ou telle faction dans un autre État souverain sans mandat des Nations
Unies, il n'y alors a plus aucune raison, ni aucun motif de droit, pour
que tous les États du monde en fassent de même et se mêlent de tout ce
qui se passe chez les autres.
C'est alors la porte ouverte :
- -
d'une part à une confrontation générale, donc à un risque majeur que la
situation ne dégénère rapidement en conflit régional ou mondial ;
- - d'autre part à accorder, in fine,
tout pouvoir à l'État, ou au groupe d'États, dont les moyens militaires
et l'appareil de propagande médiatique surpassent tous les autres. C'est-à-dire, pour parler clair, aux États-Unis d'Amérique et à leurs vassaux européens.
Piétiner
le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures revient
ainsi à asseoir, au bout du compte, l'hégémonie mondiale de l'empire
euro-atlantiste. Ces deux risques majeurs se sont
récemment concrétisés dans plusieurs États du Moyen Orient et d'Afrique
(Afghanistan, Irak, Soudan, Libye) et sont actuellement visibles à
l'œil nu en Syrie.
---------------------------------------------------------------CONCLUSION : LES TROIS FAUTES DE FRANÇOIS HOLLANDE--------------------------------------------------------------- En
recevant chaleureusement le roi du Bahreïn à Paris, et en passant par
pertes et profits le sorts des opposants au régime de Manama, le
président de la République a commis trois fautes d'un coup.
1) Une faute contre le droit : une ingérence dans les affaires intérieures Dans
les circonstances extrêmement troublées qui prévalent actuellement sur
la scène politique du Bahreïn, le fait de recevoir le roi du Bahreïn et
ne pas recevoir des représentants des différents mouvements d'opposition
prend une coloration qui va très au-delà du simple échange de vues
diplomatique. C'est un geste qui ne peut être interprété que comme un
soutien de la France à la dictature du roi Hamad Al Khalifa. Et qui est
d'ailleurs interprété comme tel.
Outre que cette prise
de parti est indécente compte tenu du contexte, elle constitue une
violation du droit international puisqu'elle revient à s'immiscer
ouvertement dans les affaires intérieures du royaume.
Si
M. Hollande voulait corriger cette impression détestable, il devrait
demander à l'ambassadeur de France au Bahreïn, M. Christian Testot, de
demander à rendre visite à Nabil Rajab dans sa prison, afin de lui
remettre symboliquement une invitation à venir à Paris.
2) Une faute contre l'équité : un indécent "deux poids - deux mesures" Soyons clairs.
Tout
comme les anciens régimes libyens ou égyptiens, l'actuel régime syrien
n'est certes pas une démocratie version euro-atlantiste et ne respecte
certes pas les droits de l'homme à l'occidentale.
Mais
le régime du Bahreïn, tout comme ceux de l'Arabie saoudite ou des
monarchies pétrolières du Golfe, sont encore moins des démocraties et
bafouent encore davantage les droits de l'homme.
Il
suffit de songer au statut des femmes, des travailleurs immigrés non
occidentaux ou des minorités religieuses dans chacun de ces pays pour en
être convaincu.
Dans ces conditions, le fait que
François Hollande ait adopté une politique appelant explicitement d'un
côté à faire chuter le régime de Damas et soutenant explicitement d'un
autre côté le régime du Bahreïn constitue une faute contre l'équité. Il
s'agit d'un cas flagrant de
"deux poids - deux mesures", que les Anglo-Saxons - qui sont des spécialistes en la matière - appellent
"double standard".
Or
à peu près rien ne révolte plus les peuples que ce genre de différence
de traitement : cela laisse pour des années une image honnie à celui qui
s'y livre.
3)
Une faute contre la France : l'alignement complet sur les intérêts
géopolitiques américains se fait au détriment de nos intérêts nationaux
Enfin, il convient de rappeler que, s'il
existe bien un pays francophile et encore francophone au Moyen Orient,
c'est, après le Liban, la Syrie.
Dans ces conditions,
prendre le parti de soutenir la dictature théocratique anglo-saxonne du
Bahreïn - chasse gardée des Anglo-américains - et exiger parallèlement
la chute du régime laïc de Damas - où la France avait une influence très
importante, c'est nuire très gravement à nos intérêts nationaux
essentiels dans cette région du monde.
Pour
se plier aux instructions de Washington relayées par Bruxelles,
François Hollande, tout comme son prédécesseur Nicolas Sarkozy, fait
passer un terrible message auprès de tous les peuples de la région : le
soutien de la France ne vaut plus rien, puisque la France est infidèle à
son histoire et à ses amitiés et qu'elle préfère soutenir les
dictatures de l'empire américain. Comment
s'étonner, après une politique aussi contraire à nos intérêts
nationaux, que l'audience de notre pays ne cesse de d'affaiblir partout
dans le monde, de même que notre présence commerciale qui y était
étroitement corrélée ? Le cas du
Bahreïn est donc exemplaire. Exemplaire de l'asservissement de la
France aux intérêts euro-atlantistes anglo-saxons. Et exemplaire de la
marginalisation rapide de l'influence de la France sur la scène
internationale, par construction européenne interposée. François ASSELINEAU