L'ANP DOIT-ELLE INTERVENIR AU MALI ?Cela fait maintenant plus d'une semaine que nos diplomates enlevés à Gao sont entre les mains de leurs ravisseurs du MUJAO (Mouvement de l'Unicité et du Jihad en Afrique Occidentale). Même si l'opinion publique nationale comprend que les efforts en vue de libérer nos otages nécessitent la plus grande discrétion, il est logique qu'elle s'impatiente et s'inquiète pour le sort de nos compatriotes. Les images montrées récemment par Aljazeera peuvent nous rassurer sur le fait que les otages sont encore vivants mais on ne sait pas la date exacte de la prise de ces images.
Mais au-delà de la libération des diplomates enlevés, qui doit rester la priorité de l'Etat algérien dans les circonstances présentes, se pose la question de l'attitude de l'Etat algérien face à la perspective inquiétante de l'établissement d'un mini-Etat terroriste dans la région du nord Mali limitrophe de l'Algérie. Il est clair que pareille perspective ne peut que constituer une menace sérieuse pour notre sécurité nationale d'autant plus que notre pays partage avec le Mali un millier de kilomètres de frontière commune et que ces groupes terroristes disposent aujourd'hui d'armes lourdes - dont des missiles anti-char et anti-aérien - pillés dans les stocks libyens ou parachutés par les avions français dans le désert libyen durant le conflit dans ce pays.
L'ANP doit-elle intervenir pour prévenir ce qui pourrait constituer un danger pour la sécurité nationale ou doit-elle attendre que les organisations terroristes franchissent la frontière algérienne comme l'indiquait jusqu'ici la doctrine algérienne en la matière même si par la passé, il y a eu des incursions limitées de militaires algériens en territoire malien avec l'autorisation des autorités de ce pays voisin? La question n'est pas aisée et on comprend qu'elle divise l'opinion publique nationale et les cercles dirigeants de notre pays.
Il est clair que l'ANP a les moyens de tuer dans l’œuf la tentative des groupes terroristes d'édifier un mini-Etat terroriste dans le nord du Mali. Avec ou sans ses alliés africains des pays du champ (Mali, Mauritanie, Niger). Une intervention conjointe de l'aviation algérienne (avions, hélicoptères) et d'un régiment de para-commandos pourrait chasser les groupes terroristes des villes conquises même s'il est difficile d'en venir à bout s'ils se volatilisent dans les étendues désertiques de l'Azawad. Mais au moins, une telle intervention contribuerait à briser les appareils de ces organisations et les empêcherait de construire de nouveaux sanctuaires dans la région.
Bien entendu, il est impératif qu'une telle intervention se déroule avec l'autorisation expresse de l'Etat malien et dans un cadre diplomatique et militaire africain. L'idéal serait que cette intervention soit organisée sous l'égide du Comité d'état-major opérationnel conjoint (CEMOC) des pays du champ (Algérie, mali, Niger, Mauritanie) qui a son siège à Tamanrasset.
Mais il est clair que cette intervention souhaitable ne pourrait avoir lieu dans les conditions actuelles dans la mesure où elle risque de compromettre la vie de nos otages. Tant que subsiste un espoir de voir ces otages libérés au moyen d'une médiation politique, l'Etat algérien ne prendra aucun risque. Mais si tout effort en vue de libérer pacifiquement les otages tombe à l'eau par la faute de l'intransigeance des terroristes du MUJAO, alors il ne restera plus devant l'Etat algérien qu'un seul choix: décider d'une intervention en vue de libérer par la force les otages.
Reste à savoir si cette opération aura lieu dans le cadre plus large d'une intervention visant à détruire l’infrastructure des groupes terroristes dans la région ou si elle sera limitée et ponctuelle. Dans ce dernier cas, nul besoin de faire intervenir l'ANP. Une section du Détachement spécial d'intervention (DSI) de la Gendarmerie nationale ou du Groupement d'intervention spéciale (GIS) du DRS suffirait largement. Pour ce genre d'opérations délicates, la question ne se pose pas en termes opérationnels. Le GIS et le DSI ont une longue expérience en matière de lutte antiterroriste. La question qui se pose est celle du renseignement fiable. La localisation du lieu ((ou des lieux) où sont détenus nos otages et l'identification des conditions exactes de détention (sont-ils détenus ensemble ou sont-ils séparés? nombre approximatif des geôliers...) constituent à cet égard des paramètres décisifs sans lesquels le commandement ne peut prendre aucun risque. Si toutes ces questions sont réglées, il ne restera que le feu vert de l'autorité politique.
Mais si l'Etat algérien décide d'une opération dans le cadre d'une intervention militaire plus large contre les groupes terroristes, alors une intervention aéro-terrestre de l'ANP sera nécessaire. Il restera dans ce dernier cas à espérer que l'Algérie règle tous les aspects politiques avec ses alliés de la région pour que cette intervention reste limitée dans le cadre du Droit international et de la lutte antiterroriste. Il n'est pas question pour l'Algérie de confondre la lutte des Touaregs avec le terrorisme. Si ce dernier doit être défait militairement, la question touarègue, elle, nécessite un traitement politique entre les protagonistes concernés (Gouvernement et MNLA)
Pour faciliter un tel traitement politique, l'Algérie est prête à jouer un rôle de médiateur, comme elle l'a fait par le passé, pour ramener la paix et la stabilité dans la région sans lesquelles il ne saurait y avoir de développement économique et social. Une intervention afro-africaine pour en finir avec la menace terroriste permettra également d'enlever tout prétexte à l'intervention des puissances étrangères dans la région.
Boussouf