L'ANP SERA-T-ELLE ENTRAINEE MALGRE ELLE DANS UNE GUERRE DU DESERT ?
La dernière visite de la secrétaire d'Etat américaine dans notre pays a été l'occasion pour certains médias de distiller leur propagande guerrière. A les en croire, les Américains ont fini par convaincre l'Algérie de participer dans la guerre qui se prépare au Mali. Quelle est la part de vérité dans cette propagande et quelle est la véritable position de notre pays face à un conflit qui ne manquerait pas d'avoir des conséquences directes sur sa sécurité?
Malgré les pressions des puissances étrangères qui ont intérêt à intervenir pour défendre leurs intérêts économiques et stratégiques dans la région, l'Algérie continue d'affirmer haut et fort sa position de principe: une intervention militaire étrangère dans la nord du Mali ne pourra que compliquer une crise déjà grave. Surtout si cette intervention militaire ne tient pas compte de la nécessité de prendre en compte les revendications légitimes des populations touarègues et ne fait pas la distinction entre d'une part les groupes terroristes et narcotrafiquants et d'autre part les organisations touarègues qui ont pris les armes contre le pouvoir central de Bamako pour des raisons politiques bien connues.
Les puissances occidentales qui poussent à la guerre, à leur tête la France, prétendent qu'elles ne vont pas intervenir directement sur le terrain. Elles veulent se cantonner aux aspects logistiques, de reconnaissance et de surveillance aérienne et électronique. Elles pourront à la rigueur organiser des raids aériens ciblés au moyen de drones tactiques. Sur le terrain, elles comptent envoyer des conseillers et des commondos pour encadrer et épauler les troupes africaines de la CEDEAO. Cette dernière pourrait mobiliser entre 3000 et 8000 hommes. Contre les milliers de combattants qui contrôlent actuellement le nord du Mali, il est fort à craindre que ces troupes n'arriveront pas à atteindre les objectifs escomptés. Les Occidentaux seraient-ils tentés d'intervenir directement si les troupes africaines venaient à connaître un enlisement prévisible?
Ce que l'Algérie redoute peut arriver. L'intervention des Occidentaux, surtout de l'ancien colonisateur français, même derrière leurs supplétifs africains, risque d'être interprétée ccomme une agression néocoloniale et pourrait nourrir les bataillons de djihadistes qui n'auront aucun mal à échanger leur costume de bandits contre le costume de "résistants" contre l'envahisseur étranger. Cette hypothèse n'est pas une vue de l'esprit quand on sait que les populations civiles du nord Mali risquent malheureusement de faire les frais de l'indiscipline de l'armée malienne qui vient de se faire remarquer cette semaine par le massacre de 52 civils touaregs.
Si l'Algérie ne semble pas avoir été écoutée par les puissances qui ont déjà pris la décision d'intervenir par armées africaines interposées, rien ne dit que l'avenir ne lui donnera pas raison. Hilary Clinton a eu l'occasion d'entendre en direct les plus hauts dirigeants algériens. Un compromis a été trouvé. D'un côté l'Algérie s'accroche à ses deux positions de principe: 1.L'ANP n'interviendra pas au Mali. 2. L'Algérie ne permettra pas qu'on utilise son territoire pour mener la guerre au Mali. Mais en contrepartie de la participation de l'Algérie à la planification des opérations des forces d'intervention africaines, notre pays contribuera à l'effort de guerre antiterroriste sur les plans logisique et renseignement et continuera à aider politiquement et financièrement le gouvernement malien vue de reprendre le controle de son territoire national et d'arriver à une réconciliation intermalienne.
Mais les dirigeants algériens ne sont pas dupes. Ils savent que la guerre que d'autres ont décidé de mener au Mali risque d'avoir des conséquences directes sur la sécurité de nos frontières. Qui va gérer le flux attendu des réfugiés qui voudraient fuir la guerre? Comment empêcher les groupes terroristes de s'infiltrer chez nous quand ils seront obligés de se replier plus au nord pour échapper à leur extermination au Mali? Même si notre pays n'a pas choisi cette guerre, il sera bien obligé gérer ses conséquences sur les tous les plans: sécuritaire, politique, diplomatique, financier et humain.
Cette guerre de plus en plus probable au Mali vient juste après la guerre qui a eu lieu en Libye dont la crise interne continue d'avoir des répercussions négatives sur notre sécurité nationale comme l'illustrent les saisies régulières d'armes par l'ANP à la frontière algéro-libyenne. Le commandement de l'ANP ne peut pas ignorer cela. La surveillance de nos frontières sud exige plus que jamais des moyens logistiques et humains renforcés. Les 35 000 hommes et les équipements qui vont avec qui sont actuellement mobilisés pour cette mission représentent déjà une ponction importante dans le budget de la Défense nationale. Sans préjuger des formes d'intervention "soft" de ses services de sécurité comme dans tout Etat qui se respecte, un effort supplémentaire est attendu pour renforcer les moyens logistiques et organisationnels de l'ANP dans la perspective de l'enlisement du conflit à nos frontières surtout quand on sait que les groupes armés en question disposent de misisles anti-char et anti-aériens redoutables pris dans les arsenaux libyens. Des armes qu'on n'aimerait pas voir se balader dans notre pays.
La défense et la sécurité de l'Algérie se jouent aujourd'hui aux frontières sud. L'ANP sera jugée sur ses capacités à imposer sur le terrain les exigences rappelées haut et fort par notre diplomatie. Pour cela, une seule consigne: tirer sur toute cible traversant nos frontières reconnues sans autorisation préalable. La cible peut aussi bien être terrestre qu'aérienne... Mais pour cela, l'ANP doit avoir les moyens, tous les moyens de sa noble mission. Une mission dans laquelle elle pourra compter sur le soutien déterminé de tout le peuple algérien.
Boussouf