Les monarchies cherches à se protéger entre elle:
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Le royaume chérifien est en train de sceller une union
d'intérêt avec les monarchies du Golfe. Pour les uns comme pour les
autres, c'est aussi une question de stabilité.
« Ce sont eux qui sont venus nous faire la cour, rappelle un
diplomate marocain. On a accepté l'union, mais à condition de signer un
partenariat stratégique. » C'est dans le contexte des révolutions
arabes, au début de 2011, que les six États membres du Conseil de
coopération du Golfe (CCG, Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes
unis, Koweït, Oman, Qatar) ont proposé au Maroc et à la Jordanie
d'intégrer leur organisation. À l'époque, inquiets de la propagation
du Printemps arabe, les émirats pétroliers souhaitaient renforcer
la solidarité entre monarchies arabes. Ils cherchaient aussi à avoir
accès au savoir-faire du royaume marocain en matière de coopération
politique et militaire, un allié moins compromettant médiatiquement
que les États-Unis.
Dix-huit mois plus tard, le souffle printanier retombé, la proposition d'adhésion faite aux royaumes du Maroc
et de Jordanie, objet de divergences entre les membres du Conseil, a
finalement été retirée, les pays du CCG préférant d'abord renforcer
la coopération et le partenariat stratégique avec les deux pays par
la création d'un fonds du Golfe pour le développement. Au Maroc, ce
cadre prévoit notamment un fonds de soutien de 5 milliards de dollars
(plus de 3,8 milliards d'euros) sur cinq ans, sous forme de dons. Une
manne plus que bienvenue en temps de crise.
Tournée royaleDu 15 au 24 octobre 2012, Mohammed VI a effectué une tournée
afin de présenter aux dirigeants saoudiens, émiratis, koweïtiens et
qataris vingt-cinq grands projets en matière d'infrastructures,
d'agriculture, de transport, de logement, de santé et d'éducation.
Mais le souverain marocain cherche aussi des relais de croissance
pour compenser les effets de la récession en Europe, premier
partenaire du royaume. Avec quelque 45 millions de consommateurs, le
marché du Golfe représente des débouchés pour les agro-industries
nationales et de nouvelles sources d'investissement.
Pour l'instant, en raison de ses achats en hydrocarbures, la
balance commerciale entre le royaume chérifien et les pays du CCG
est fortement déficitaire pour le Maroc - 29 milliards de dirhams
(DH, 2,6 milliards d'euros) d'importations, contre seulement
1 milliard de DH d'exportations -, mais le pays compte bien inverser
la tendance.
La délégation marocaine qui accompagnait Mohammed VI lors de sa
tournée dans le Golfe, composée de conseillers royaux et de membres
du gouvernement, a fait valoir l'attractivité de l'économie
marocaine dans les nouvelles technologies, les énergies
renouvelables, l'industrie (agroalimentaire, chimique, aéronautique,
automobile, pharmaceutique...), la banque et la finance.
Les Émirats arabes unis sont les premiers investisseurs arabes au
Maroc, notamment via le Fonds d'Abou Dhabi pour le développement
Si les investissements des pétromonarchies ont fortement augmenté
ces dernières années, ils restent encore essentiellement cantonnés à
l'immobilier et au tourisme, notamment avec les émiratis Al Qudra
Holding, Emaar, Dubai Holding (avec ses filiales Sama Dubai et Dubai
International Properties), le qatari Diar Real Estate Investment
Company, le fonds bahreïni Gulf Finance House (GFH), le groupe
koweïtien Aref Investment ou encore le jordanien Yabous
International. Les projets réalisés, en cours ou à l'étude dans le
pays, par ces groupes et fonds du Golfe représentent quelque
20 milliards de dollars.
"Bankable"« Les fonds souverains des pays du Golfe dans le monde totalisent
actuellement 2 000 milliards de dollars et en géreront deux fois
plus à l'horizon 2020, explique Salaheddine Mezouar, ancien ministre
de l'Économie et des Finances. À nous de leur proposer une démarche
cohérente et régionale, un partenariat public-privé de qualité et
des projets rentables. » Le royaume cherche donc à se montrer plus
« bankable » que jamais, et à mettre en avant son potentiel de
plateforme pour les investissements à destination de l'étranger - au
carrefour de l'Europe, des Amériques, du Maghreb et de l'Afrique
subsaharienne, où il dispose d'accords de libre-échange. De leur
côté, gérés par des experts de la finance, les fonds souverains
recherchent un retour sur investissement et négocient leurs
avantages fiscaux. « C'est fini le temps où les pays du Golfe
jetaient l'argent par les fenêtres et venaient profiter des douceurs
du royaume, explique Brahim Fassi Fihri, président du think-tank
Institut Amadeus. Ils sont très soucieux de leurs placements et des
bénéfices qu'ils leur procurent. »
Les Émirats arabes unis sont les premiers investisseurs arabes au
Maroc, notamment via le Fonds d'Abou Dhabi pour le développement,
qui contribue au financement d'une trentaine de projets, dont la
construction du Train à grande vitesse (TGV) Tanger-Casablanca, le
développement du port de Tanger-Med et la construction de la rocade
autoroutière méditerranéenne. Ils sont suivis par Riyad, qui vient de
marquer un très beau point en remportant le contrat de construction et
d'exploitation de la première centrale solaire de Ouarzazate,
attribué fin septembre au consortium mené par le groupe saoudien
Acwa Power International. Bien évidemment, le Qatar avance aussi ses
pions. Après les accords signés fin 2011 entre Rabat et Doha pour
la coopération dans les secteurs touristique et minier, et pour la
création d'une société d'investissement maroco-qatarie, la Qatar
National Bank a pris une part majoritaire dans le capital de l'Union
marocaine des banques, et la Qatar International Islamic Bank
prévoit d'implanter deux banques islamiques au Maroc, dès que les
premières autorisations seront accordées - a priori, à partir de
l'automne 2013, selon le ministre de Finances.
Un vieux fonds encore bien vigoureuxLa plus ancienne société d'investissement du Golfe au Maroc, le
Consortium maroco-koweïtien de développement (CMKD), est née en 1976
d'un accord bilatéral entre l'État du Koweït et le royaume du Maroc,
avec un capital de départ de 225 millions de dirhams (DH, 20 millions
d'euros). Depuis, les actionnaires koweïtiens ont augmenté leur
participation de 50 % à 99,9 %, pour un capital s'élevant aujourd'hui à
829 millions de DH. CMKD investit dans les secteurs de la finance, de
l'immobilier et du tourisme, où il a de nombreuses filiales et
participations. On lui doit notamment des ensembles résidentiels à
Casablanca, El-Jadida, Tanger, Marrakech, le développement de projets
touristiques à Ifrane (Moyen-Atlas) et la rénovation des hôtels Farah.
P.A.Main-forteL'autre retour sur investissements attendu, voire privilégié, par
les pays du Golfe, est celui de la coopération sécuritaire. « Ce
qui les intéresse, c'est l'armée marocaine », explique un officier
du royaume, rappelant qu'en son temps, à la fin des années 1970,
Hassan II avait dépêché auprès du cheikh Zayed l'un de ses plus
fidèles collaborateurs, le général Laanigri, pour veiller
personnellement à l'organisation de son service de sécurité et au
renforcement de ses unités militaires.
Le Printemps arabe a remis sur le devant de la scène cette
utilité du royaume. En cas de crise grave dans un des pays du Golfe,
les militaires du royaume pourraient discrètement prêter main-forte au
maintien des régimes en place. « On coopère déjà beaucoup en matière
de sécurité et de renseignement », avoue un ministre marocain,
soulignant que Mohamed Yassine Mansouri, le patron de la Direction
générale des études et de la documentation (DGED, renseignements),
participait d'ailleurs activement à la tournée du roi.
Autre avantage, et non des moindres : le royaume a réussi sa
transition démocratique en contenant le Mouvement du 20-Février.
« Si ces pays veulent dépoussiérer un peu leur Constitution, on
pourra les aider », ajoute le ministre, en parlant, terme très à la
mode, de « partenariat gagnant-gagnant ».
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: avec les monarchies du Golfe, un mariage de raison | Jeuneafrique.com
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