Le 24 février 1971, Houari BOUMEDIENE nationalise le pétrole algérien.
Chronologie d’une nationalisation historiquePublié le 24-02-2013
L'EST En s’obstinant à refuser à l’Algérie une hausse de la
fiscalité pétrolière, la France a accéléré la décision des autorités
algériennes de nationaliser,
le 24 février 1971, les compagnies pétrolières françaises qui
exploitaient les premiers gisements d’hydrocarbures découverts dans le
Sahara.
La première négociation sur la révision du prix fiscal imposable aux
sociétés françaises opérant en Algérie s’ouvre à Alger le 24 novembre
1969 en vertu de l’accord pétrolier signé le 29 juillet 1965, à la
demande de l’Algérie, qui s’est appuyée sur l’article 27 de l’accord (de
1965), stipulant que les deux gouvernements allaient examiner au cours
de l’année 1969 la révision du prix fiscal. Si l’accord de 1965 a réussi
à libérer l’Etat algérien de la camisole ou il était enfermé par les
effets des accords d’Evian, il a offert cependant une fiscalité aménagée
aux sociétés françaises dans l’espoir de relancer la prospection en
Algérie, estime le négociateur en chef, M.Belaïd Abdeslam, alors
ministre de l’Energie et de l’Industrie. Les négociations de cet accord
engagées en 1964 sous l’égide du président Ahmed Ben Bella et conclues
sous le règne de son successeur Houari Boumediene, prévoyaient un prix
fiscal de 2,08 dollars pour le fob de Bejaia, considérée comme une
concession à ces sociétés pour mobiliser leurs moyens financiers en vue
d’accentuer la prospection, avait confié à l’APS M. Belaïd Abdeslam.
Côté algérien, la relance de la prospection, attendue par l’Association
coopérative Algéro-française (Assccop), créée dans le cadre de l’accord
de 1965 et à laquelle ont été confiée les riches zones de Hassi Messaoud
et Hassi R’mel, tarde à venir.
La France s’entête lors de la négociation de 1969
La plus importante révision de l’accord porte non seulement sur le prix
fiscal retenu pour le calcul du revenu imposable des sociétés
pétrolières françaises mais aussi sur la transformation des statuts de
ces dernières en sociétés dans lesquelles l’Algérie détiendrait la
majorité du capital lui permettant d’en contrôler le fonctionnement.
L’Algérie est ainsi déterminée à imposer un nouveau prix fiscal égal à
2,85 dollars par baril. La première négociation de novembre 1969 à Alger
est présidée par Belaid Abdesselam, alors ministre de l’Energie et de
l’Industrie du côté algérien et par Jean-Pierre Brunet, directeur des
Affaires économiques et financières au ministère français des Affaires
Etrangères. Dés le début des négociations, les Français ne sont
nullement disposés à bouger dans le sens des demandes (fiscales)
algériennes, établies sur des bases solides par la Sonatrach, devenue
opérateur sur le marché mondial et possédant les données qui avaient
cours sur le marché international, à l’opposé des discussions de 1965,
où les négociateurs algériens n’avaient dans leurs bagages que leurs
diplômes et leur militantisme nationale. La négociation, tenue dans la
foulée du succès obtenu par la Libye concernant la hausse de la
fiscalité imposée aux compagnies internationales opérant sur son sol et
des décisions de l’Opep à Caracas qui exigeaient cette augmentation, n’a
fait que renforcer la position algérienne d’aller de l’avant pour
récupérer ses ressources naturelles. L’ultime et décevante rencontre
avec la délégation française en juin 1970 conduit donc l’Algérie à
sortir de ses gonds et à notifier le 20 juillet de la même année sa
décision unilatérale d’imposer le nouveau prix fiscal aux sociétés
françaises.
Les négociations
politisées
L’affaire restée jusque là dans le cadre de négociations économiques
s’est transformée dès lors en une affaire politique lorsque le président
français Georges Pompidou s’est directement saisi du dossier en
contactant le président Houari Boumediene par le biais de Reda Malek,
alors ambassadeur d’Algérie à Paris. La négociation a été portée au plan
politique, puisqu’elle se situait au niveau où elle engageait les deux
chefs d’Etats. Ces discussions ont repris donc au niveau du président de
la République, Houari Boumediène, représenté par M. Abdelaziz
Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères du côté algérien, et
de François-Xavier Ortoli, ministre français de l’Industrie. Le
président français a alors proposé à son homologue algérien d’accepter
de suspendre l’application de la décision annoncée aux sociétés
françaises et d’ouvrir en contrepartie par anticipation la négociation
sur une révision globale de l’accord de 1965 au titre de l’article 52,
qui stipulait que le document pourrait être révisé dans sa globalité
cinq ans après sa mise en oeuvre c’est-à-dire en 1971, raconte encore M.
Belaïd Abdeslam. La négociation officielle menée alors sous le sceau
des deux présidents algérien et français, a débuté le 28 septembre 1970
et s’est poursuivie pendant les premières semaines de l’année 1971. Du
côté français, le même entêtement revenait sur la question d’accorder à
l’Algérie une majorité dans le capital des sociétés concessionnaires
françaises et sur une révision à la hausse du prix fiscal. Les
négociateurs français présentent cependant une interprétation erronée
des données du marché pétrolier international pour dénier à l’Algérie
son droit d’améliorer ses ressources financières, qui lui revenaient de
droit sur l’exploitation de son pétrole explique M. Belaïd Abdeslam.
La délégation algérienne assiste ainsi à un raidissement des positions
des négociateurs français, ne laissant apparaître aucune ouverture dans
le sens des demandes algériennes. Mais M. Bouteflika a alors affirmé à
ses interlocuteurs la volonté du gouvernement algérien de parvenir à ses
objectifs par tous les moyens qui s’offrent à lui et que dans le cas où
une solution satisfaisante ne serait pas mise au point autour de la
table des pourparlers, l’Algérie emprunterait d’autres voies pour faire
valoir les choix découlant des orientations de sa révolution.
L’Algérie annonce
les nationalisations
C’est le 27 décembre 1970 en fait que s’est tenue la dernière rencontre
entre les deux délégations et durant laquelle la France restait
arc-boutée sur ses positions. Pour amener l’Algérie à renoncer à la
revendication du contrôle des sociétés françaises, les négociateurs
français ont sorti une dernière proposition, celle de mettre à la
disposition de l’Algérie des parts de leur production pétrolière pour la
commercialiser seule sur les marchés internationaux. Les Français ont
par la suite demandé la suspension des négociations en attendant les
décisions de la réunion de l’Opep à Téhéran avec les délégués des
grandes sociétés pétrolières internationales, une rencontre qui devait
trancher sur l’action enclenchée par l’organisation à Caracas concernant
les revendications des pays producteurs sur la hausse de la fiscalité
pétrolière. En refusant de poursuivre la négociation, les responsables
pétroliers français sont allés à contre courant de la décision de leur
président, qui a préconisé ces pourparlers. Les Français caressaient en
effet l’espoir de voir les conclusions qui sortiraient de la capitale
iranienne plus favorables à leurs prétentions. Mais les décisions de
Caracas sont aux antipodes de leur souhait puisque les grandes sociétés
pétrolières internationales anglo-saxonnes ont eu l’intelligence de
lâcher du lest en faveur des peuples du tiers du monde et du monde
Arabe, en acceptant d’augmenter la fiscalité pétrolière qu’ils versaient
à ces pays producteurs. L’Algérie, anticipant l’impasse dans laquelle
allait se trouver les négociations, a envisagé l’ultime option qui est
les nationalisation, avec toutes les retombées économiques et
diplomatiques qui pourraient en découler. Au cours d’un conseil des
ministres, le président Boumediene déclare que si la négociation
n’abouti pas le 31 décembre 1970, il procèderait à la promulgation de
mesures de nationalisations. A Alger, tout le dispositif pour annoncer
cette décision historique est prêt au 31 décembre 1970, comme prévu par
le président Boumediene. Les textes des nationalisations, largement
élaborés par Maître Djamel Lakhdari, étaient prêts et les équipes de
cadres et techniciens qui devaient, dés l’annonce de cette mesure,
prendre possession des sièges des sociétés françaises et de leurs
installations pétrolières, sont constituées. Le président Boumediene
prend la décision, après avoir consulté ses ministres des Affaires
Etrangères et de l’Intérieur, MM. Bouteflika et Ahmed Medeghri,
d’annoncer la nationalisation le 24 février 1971 à l’occasion de
l’anniversaire de création de l’Union générale des travailleurs
algériens (UGTA). A la maison du peuple, au siège de l’UGTA à la place
du 1er Mai, à Alger, le président annonce la détention par l’Algérie de
la majorité du capital des sociétés concessionnaires françaises, un acte
de souveraineté qui complétait les nationalisations des compagnies
américaines déjà opéré par l’Algérie en 1969. Avant la fin de l’après
midi de la journée du 24 février, les sièges des sociétés nationalisées
passent aux mains des équipes dirigeantes désignées par le ministère de
l’Industrie et de l’Energie. Les nationalisations donnent à l’Algérie la
possession de 51% dans le capital des sociétés françaises, qui elles
n’en détenaient que 49%. Dans la SN Repal par exemple et dans laquelle
l’Algérie détenait 50% des parts, la nationalisation n’avait pris que 2%
des parts de l’autre partenaire. Pour ce qui est des modalités
fiscales, l’Algérie généralise une disposition qui donne à l’Etat le
droit de fixer seul le prix servant au calcul du revenu imposable des
sociétés pétrolières. Le nouveau prix fixé par un décret signé par le
président Boumediene en date du 13 avril fixait ce prix fiscal à 3,60
dollars le baril.
Rabia Nacera