Un Algérien qui a vu des techniques performantes à l'étranger fait rapatrier de la technologie en Algérie. LIRE:
Relance de la filière oléicole à BatnaMiracle dans les plaines de Aïn Yagoutle 04.02.12 El Watan
La pépinière les Nouvelles forêts du Maghreb prévoit de produire 1200
plants d’oliviers par hectare. Sur les six variétés d’oliviers que
produira la ferme, quatre sont d’origine espagnole, notamment les
fameuses Arbequina et Pecual, à l’origine de la meilleure huile au
monde.
La révolution oléicole viendra-t-elle de Batna ? Des signes forts, en
effet, pour un avenir radieux de cet arbre immortalisé par
Saint-Augustin, comme symbole du lien entre le peuple amazigh et sa
terre, hélas, réduit à une passable existence par les échecs successifs
des politiques agraires.
Sur des terres réduites en jachère et menacées par la salinisation dans
la plaine de Aïn Yagout, un projet ambitieux vient de voir le jour et
promet à lui seul de satisfaire les desseins ambitieux et limite
présomptueux du ministère de l’Agriculture. Passion, patience,
intelligence et savoir-faire, tant de qualités réunies en une seule
personne se cristallisent dans une aventure vouée à un succès inédit.
Ali Zerad, un ancien boxeur âgé aujourd’hui de 46 ans, est l’homme par
qui le miracle risque d’arriver. Depuis 2002, sa société, les Nouvelles
forêts du Maghreb (NFM), fournit aux agriculteurs algériens l’essentiel
des plants d’arbres fruitiers, avec en prime une qualité inégalée.
Mais, la pépinière de Ali Zerad s’offre le nec plus ultra en
s’aventurant dans la production de plants d’oliviers.
Au lendemain de l’annonce faite en 2006 par le ministère de
l’Agriculture pour la plantation stratégique d’un million d’hectares
d’oliviers en cinq ans (2010-2014), le destin de NFM bascule. Le projet
du ministère traîne et s’avère un peu plus difficile à atteindre,
notamment en ce qui concerne la fourniture des agriculteurs en plants.
Ali Zerad, patron des NFM, vole au secours de ce projet et propose de
fournir 1200 plants/ha. Le complexe qu’il vient d’installer, près de
l’aéroport Mustapha Ben Boulaïd de Batna, sur une superficie de 43 ha,
promet de transformer la filière oléicole algérienne et vise même le
rôle de leader en allant concurrencer nos voisins tunisiens et marocains
ainsi que les Espagnols, leaders du marché mondial.
Des andalous en terre chaouie A. Zerad semble disposer de plusieurs tours dans son chapeau de
magicien. L’un des atouts majeurs de sa stratégie et le fait d’avoir
délocalisé à Batna une entreprise espagnole spécialisée dans la
production des plants d’oliviers. Les patrons espagnols et tout le
personnel de l’entreprise viennent de s’installer dans la capitale des
Aurès, pour veiller à la mise sur rails du projet et le transfert de
technologie nécessaire pour l’avenir de cette ferme pilote. Un accord de
trois ans a été signé entre les deux parties et le partenaire ibérique
devra fournir une production de 1 200 000 plants d’ici décembre 2012.
En fait, la machine est déjà en marche. Des ingénieurs agronomes
espagnols, menés par Juan Antonio Lorenzo, séjournent à Batna depuis 2
ans. Ce sont eux qui accompagnent l’installation du complexe et du
process. Une main-d’œuvre en majorité féminine recrutée dans le village
voisin, Seriana, fait l’apprentissage des techniques nécessaires pour
assumer la chaîne de production, sous contrôle d’agronomes formés par
l’université de Batna. Les 42 employés (un chiffre appelé à se
multiplier) s’activent déjà et donnent l’air d’une ruche à la nouvelle
pépinière.
De son sac de magicien, Zerad n’en finit pas de tirer les bonnes
choses. Sur les 6 variétés d’oliviers que produira la ferme, 4 sont
d’origine espagnole, notamment les fameuses Arbequina et Pecual, à
l’origine de la meilleure huile au monde, vendue en Europe au prix de 54
euros le litre. Ces variétés classées patrimoine national, Ali est allé
les chercher à la mairie de Séville et a réussi à obtenir la licence.
Sous les serres sophistiquées, véritables laboratoires phytosanitaires,
sommeillent des milliers de pieds-mères de noble descendance, considérés
comme le pedigree de l’espèce. L’agrément du ministère de l’Agriculture
en poche, la pépinière NFM commencera bientôt à planter intensivement
avec, en outre, un procédé moderne et complètement automatisé.
Rendre sa noblesse à la Sigoise Ali, l’unique à produire ces variétés en Algérie, propose un arbre bien
plus petit que l’olivier algérien, mais doublement productif, plus
résistant et beaucoup plus facile à cultiver.
Pour la plantation du plant comme pour la cueillette du fruit, le
procédé mécanisé permet de gagner du temps et aussi d’avoir des
résultats bien meilleurs. La cueillette à l’aide de la machine évite en
effet de blesser le fruit, première source de l’acidité de l’huile
algérienne, nous confie Juan, le chef de projet. «Avec une bouture, je
peux avoir un plant d’origine certifié en l’espace de 6 mois, alors que
d’habitude, l’agriculteur achète un plant non racé et doit patienter 4 à
5 ans avant de voir grandir son arbre», explique de son côté le patron
des lieux. Dans moins d’une année, NFM produira des plants d’oliviers de
race espagnole, de quoi satisfaire la demande des agriculteurs
algériens et relancer la filière nationale confinée jusque-là dans une
position médiocre sur le marché international.
Le complexe, construit dans les normes européennes, promet aussi de
produire des plants d’oliviers de race algérienne assainie et
débarrassée des impuretés accumulées durant de très longues saisons de
mauvaises pratiques agricoles. Une manière de rendre sa noblesse à
l’olivier local. Serait-ce l’objectif final ? Non, réplique Ali, qui
prévoit d’ores et déjà de réinvestir les bénéfices dans la plantation de
300 ha d’oliviers de très bonne qualité et l’installation d’une
huilerie ultra moderne, importée d’Espagne, pour produire de l’huile de
qualité supérieure.
La ferme, de plus en plus visible, fait déjà de l’émulation, puisque
d’autres investisseurs s’installent dans cette plaine. D’ailleurs, le
prix de ces terres abandonnées il y a tout juste quelques années s’est
multiplié par 20 ! La réussite de ce projet aura sans doute des
retombées sur la vie économique locale et entraînera surtout la filière
oléicole nationale sur une rampe de lancement. C’est en tout cas le rêve
du patron de NFM.
Ali Zerad, du ring aux vergers L’histoire d’Ali Zerad est une véritable success story. Parti en France
suivre une carrière de boxeur, cet ancien poulain du célèbre entraîneur
Jean Molinot, finit par se convertir dans le business qui lui réussit
bien. Il s’établit en Espagne et, au bout de quelques années, décide de
s’offrir un lopin de terre dans sa région natale «pour prendre du
plaisir et me reposer», dit-il. Contre «une bouchée de pain», il
s’approprie d’abord 13 hectares dévalorisés par l’abandon. Deux années
plus tard, en 1999, son père, un ancien garde-forestier, lui propose
d’investir dans une pépinière d’arbres forestiers.
En définitive, le choix se fixe sur les arbres fruitiers. Ali, de plus
en plus investi dans sa nouvelle vocation, s’offre des stages en Espagne
et se spécialise dans l’olivier. Doté d’un flair de businessman et d’un
sens aigu de l’entreprise, il profite aussi pour faire le tour des
potagers européens et se paye les variétés d’arbres fruitiers les plus
célèbres, ainsi que les secrets les mieux gardés en matière de
traitement de ces trésors. Cette première partie de l’aventure lui offre
aujourd’hui des résultats qui contrastent fortement avec les pratiques
agricoles nationales. Le plus étonnant dans la démarche d’Ali est que
tout est investi sur fonds propres. Le moindre bénéfice obtenu ailleurs
est reversé dans le projet de Batna qui devient la priorité des
priorités.
Cerises et Boutabguine au menu : L’arbre fruitier vendu par NFM se plaît à une technique qui permet de
planter jusqu’à 1800 arbres/ha, soit le nombre planté actuellement par
les agriculteurs multiplié par 6 !
La plantation palissée, système européen qu’Ali a étudié en Hollande,
fait gagner de l’espace dans les champs. Plusieurs variétés de pommiers,
poiriers, cerisiers, etc., sont produites ici, et tout le parc à bois
est importé avec l’autorisation du ministère de l’Agriculture. Ali
regrette que les agriculteurs de Batna, lancés dans la production de la
pomme, n’aient pas assez d’ambition pour entretenir leurs champs et
multiplier leur production. En été, ses champs à lui se transforment.
La Red, un arbre qui ne paye pas de mine (nain) déploie toute sa
splendeur et offre des pommes d’un rouge flamboyant que les grossistes
de Blida raflent jusqu’au dernier fruit. Zerad projette aussi de
produire la cerise ainsi que la nectarine plate, originaire d’Equateur
que Zerad a importée de Chili.Beaucoup d’Algériens raffolent de ce fruit
succulent, introuvable chez nous, mais célèbre en Tunisie sous le nom
de Boutabguine.
Nouri Nesrouche